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SALAIRES : davantage de solidarité SVP

25 septembre 2024, 09:00

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Imminence des prochaines législatives oblige, l’entrecroisement des motivations politiques, des politiques salariales et de la gestion économique se retrouve au-devant de la scène avec des conséquences qui pourraient s’avérer néfastes pour nous tous.

Le débat est déjà houleux entre Business Mauritius, principal représentant du secteur privé, et le gouvernement relatif à la relativité salariale. Business Mauritius estime que le contexte économique – local et mondial – doit être pris en compte avant d’imposer des hausses salariales à différents échelons. De son côté, le gouvernement, par la voix du ministre du Travail, Soodesh Callichurn, accuse le secteur privé d’avoir un «agenda caché» et d’utiliser les élections pour retarder ces changements. Cette confrontation reflète un problème plus large que des penseurs comme Paul Krugman et Thomas Piketty ont souvent dénoncé : l’enchevêtrement de la politique, des salaires et des décisions économiques.

Le 23 septembre 2024, Business Mauritius a envoyé une note à ses 1 200 membres, leur recommandant de maintenir le statu quo et de ne pas appliquer les ajustements salariaux exigés par le ministère du Travail. L’organisation a exprimé de «sérieuses inquiétudes» quant aux répercussions de ces règlements sur les entreprises et l’emploi. Selon ses conseillers juridiques, les nouveaux règlements salariaux pourraient ne pas être conformes à la législation en vigueur. Business Mauritius fait valoir que l’application uniforme de ces règlements ne tient pas compte des structures salariales existantes dans les entreprises ni des différents cycles de révision des salaires. De nombreuses entreprises ont déjà mis en place leurs propres mesures de relativité salariale, et appliquer une augmentation généralisée pourrait, selon l’organisation, perturber l’équité et la cohérence des politiques de rémunération déjà en place.

En outre, Business Mauritius souligne que le processus de consultation tripartite, impliquant le National Remuneration Board et le National Wage Consultative Council, a été contourné. Ces organismes jouent un rôle clé dans l’équilibre des intérêts des employeurs, des employés et du gouvernement, et leur exclusion, selon l’organisation, remet en cause la légitimité des ajustements salariaux.

Du point de vue de Business Mauritius, le paysage économique mondial, marqué par des incertitudes sur les marchés internationaux, doit être pris en compte avant d’imposer de tels règlements. L’organisation affirme qu’elle soutient l’idée d’une augmentation des salaires, mais que ces changements doivent être faits avec prudence.

Le ministre du Travail a rapidement réagi à la position de Business Mauritius, critiquant son refus de se conformer aux ajustements salariaux imposés par le gouvernement. Pour Soodesh Callichurn, «notre position est claire. Nous ne sommes pas d’accord avec Business Mauritius. Le gouvernement a décidé de procéder à cet exercice de réalignement des salaires. La loi a été modifiée en conséquence. Chacun doit prendre ses responsabilités !»

Le ministre hausse le ton : tout employeur qui refuserait de mettre en oeuvre les ajustements salariaux exigés sera en infraction. Selon Callichurn, le gouvernement a suivi toutes les procédures légales nécessaires, y compris une révision par le State Law Office et une approbation par le Conseil des ministres. Les nouveaux règlements salariaux ont été officiellement publiés au journal officiel à la mi-septembre, ce qui les rend juridiquement contraignants.

Cette confrontation survient dans un contexte de turbulences économiques mondiales. Plusieurs banques centrales, y compris celle de Maurice, ont récemment ajusté leurs politiques monétaires en réponse à des fluctuations des taux d’inflation et à une croissance économique au ralenti. La Banque de Maurice a réduit son taux directeur de 50 points de base, reflétant la tendance mondiale d’assouplissement. Cette baisse des taux, destinée à soutenir la consommation intérieure et les investissements, intervient à un moment où les pressions inflationnistes mondiales se stabilisent et où les coûts des transports maritimes internationaux reviennent à des niveaux pré-pandémiques.

À l’inverse, la Chine, deuxième économie mondiale, vient de lancer un vaste plan de relance pour contrer son ralentissement économique. La Banque populaire de Chine (PBOC) a récemment abaissé ses taux d’intérêt clés et réduit le ratio des réserves obligatoires des banques à son plus bas niveau depuis des années, signalant ainsi la nécessité d’injecter de la liquidité dans une économie en difficulté. Ces mesures interviennent alors que la Chine fait face à une crise prolongée de l’immobilier et à des pressions déflationnistes.

Krugman et Piketty

Les économistes Paul Krugman et Thomas Piketty ont longtemps mis en garde contre les dangers de mêler la politique aux décisions économiques. Dans ses écrits, Krugman souligne que la politique économique doit être fondée sur des preuves et des considérations à long terme, plutôt que sur des gains politiques à court terme. Il soutient que les cycles électoraux peuvent amener les politiciens à prendre des décisions économiquement douteuses, car ils privilégient des politiques qui séduisent les électeurs plutôt que celles qui sont les meilleures pour l’économie.

Piketty, connu pour son travail sur les inégalités de revenus, met aussi en lumière les risques d’une interférence politique dans les politiques salariales. Il souligne que bien que la croissance des salaires et la redistribution soient nécessaires pour lutter contre les inégalités, ces changements doivent être fondés sur des réalités économiques. Piketty avertit qu’un ajustement salarial soudain, motivé par des raisons politiques, peut perturber les marchés du travail, notamment dans des économies comme celle de Maurice, qui est tournée vers le monde extérieur.

La leçon à tirer de la situation mauricienne et des tendances économiques mondiales est claire : les salaires, les élections et les politiques économiques ne doivent pas être mélangés, car le débat sera forcément faussé. Les dirigeants politiques sont souvent sous pression pour promettre des augmentations de salaires pendant les campagnes électorales. Cependant, ces promesses peuvent tout aussi bien entraîner des conséquences imprévues qui nuisent à la fois aux entreprises et aux travailleurs à long terme.

L’appel de Business Mauritius à la prudence et l’insistance du gouvernement sur des ajustements salariaux immédiats illustrent la tension entre les motivations politiques et le pragmatisme économique. Et ce, même si des salaires équitables sont un objectif crucial.

Va-t-on, dès lors, privilégier la stabilité économique à long terme, ou céder aux pressions politiques à court terme ?

Il faut qu’on soit justes ! On ne peut plus tout mettre dans le même bateau ou panier. Certains font des profitsrecord tandis que d’autres peinent à garder les narines hors de l’eau, comme chez nous dans la presse. Il faut pousser davantage vers un réajustement sectoriel. L’euro à plus de Rs 50 dope nos exportations et le tourisme. Business Mauritius pourrait faire le tri et non pas généraliser… Histoire d’être solidaires aussi…