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Sommes-nous tous corrompus ?
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Sommes-nous tous corrompus ?
Alors que le gouvernement et Business Mauritius croisent le fer sur le très sensible, voire explosif, sujet des salaires, triste est de constater que la loi sur les dépenses électorales, telle qu’elle existe, est une coquille vide, que personne ne veut vraiment remplir, en ce moment surtout.
Depuis des décennies, la loi tant brandie sur le financement politique sert d’écran de fumée, cachant sous un vernis de légalité les manigances d’un système corrompu jusqu’à la moelle. Elle n’amuse plus personne, cette loi, pas même ceux qui en sont les garants. Pourtant, elle persiste. Et nous, peuple, nous continuons à nous bercer dans l’illusion de sa rigueur. Que ce soit les généreux donateurs, qui sont au sein de Business Mauritius, et tous les partis confondus, enfin, les partis qui comptent.
Devant le public, on se tire dessus, dans l’ombre des officines, on se caresse, à tour de rôle.
Les politiciens, eux, n’ont jamais eu à s’inquiéter. Pourquoi le feraient-ils ? Qui, dans le paysage politique, aurait le courage de mordre la main qui le nourrit ? Cette loi n’est qu’une farce qui favorise les grands clans politiques, ceux-là mêmes qui se partagent le butin électoral sans vergogne. Comment alors espérer qu’ils la réforment ? Qui, dans cette République, oserait se faire hara-kiri en réclamant une transparence qui mettrait à nu leurs propres excès ?
Les exemples ne manquent pas. Du Sun Trust d’Anerood Jugnauth aux Rs 220 millions enfouies dans un coffre de Navin Ramgoolam, en passant par le chèque de Rs 10 millions signé par Dawood Rawat au profit du MMM, et plus récemment, la découverte d’un carnet des dépenses électorales au n°8 lors des législatives de 2019. Ce carnet, noir sur blanc, expose ce que nous savions tous mais que personne n’osait nommer : le plafond de Rs 150 000 par candidat est une mascarade grotesque. Il est violé avec une telle désinvolture qu’il en devient risible.
Le pire, c’est que tout commence par le mensonge. Dès leur entrée en politique, les candidats prêtent serment sur des affidavits truqués. Comment, dès lors, espérer que ces hommes et ces femmes, une fois élus, gouvernent avec intégrité ? Comment bâtir une démocratie sur un socle de faux-semblants, sans loi sur le financement des partis politiques, sans Freedom of Information Act, sans la moindre velléité de transparence ?
La Representation of the People Act exige des candidats qu’ils soumettent leurs comptes de campagne dans les six semaines suivant le scrutin. Ces comptes, visibles sur le site de la Commission électorale, sont pourtant une vaste plaisanterie. La publication de ces chiffres fictifs n’est qu’un exercice hypocrite, symbole d’une démocratie de papier. Irfan Rahman, le commissaire électoral, a souvent reconnu que cette loi est une farce. Mais cela suffit-il à justifier l’inaction face à la violation systématique de la loi ? Peut-on se contenter de regarder les politiciens se jouer du système sans broncher ?
La Commission électorale, tout comme nous, reçoit d’innombrables dénonciations. Mais que fait-elle ? Les élections passent, les mêmes pratiques persistent, et l’on se retrouve à dénoncer les abus sans que rien ne change. Le décès de Soopramanien Kistnen, en 2020, a réveillé en nous une part de conscience. Mais cet éveil est resté sans suite.
Les élections villageoises récentes ont montré à quel point ce phénomène de Money Politics gangrène jusqu’aux rouages les plus simples de notre démocratie. Là encore, tout le monde sait, tout le monde voit. Mais personne ne réagit. Les conseils de district, pourtant gagnés par des candidats anti-MSM, se retrouvent encore sous contrôle du parti au pouvoir. Comment ? Toujours par l’argent. Toujours par le jeu de la corruption.
Le plus alarmant, c’est cette indifférence qui s’installe. Ce laisser-faire, ce «tout-le-monde-le-sait» qui banalise l’inacceptable. C’est ainsi que meurt une démocratie, non dans l’éclat d’une révolution, mais dans l’apathie de ceux qui savent, mais ne disent rien.
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