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Sortir du jeu bipolaire

26 octobre 2024, 10:50

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À l’approche des élections, le bal des promesses gagne en intensité. Chaque alliance agite sa bannière, ses promesses étincelantes et ses chiffres soigneusement calculés pour appâter l’électorat. Rs 21 500 par ici pour les retraites, Rs 5 000 pour chaque enfant et Rs 2 000 pour les femmes au foyer par là. Pendant ce temps, les slogans se multiplient et les promesses s’accumulent comme des confettis, prêtes à s’envoler sitôt les urnes scellées.

Nous, journalistes, sommes accusés de ne regarder que du côté des blocs traditionnels : Pravind Jugnauth ou Navin Ramgoolam, comme si le pays entier n’était voué qu’à cet éternel duel entre les mêmes. Une lectrice, Vidya, nous a écrit hier pour pointer du doigt cette obsession pour les «dinosaures» de la politique, déplorant que l’alliance Linion Reform, pourtant présentée comme un vent de fraîcheur, soit, selon elle, systématiquement ignorée dans nos analyses. Son indignation, même si inexacte, reste légitime. Mais comment ne pas revenir sur ces figures récurrentes ? Les Ramgoolam, Jugnauth, Bérenger et Duval occupent la scène depuis si longtemps que la politique mauricienne ressemble à un théâtre où les rôles restent immuablement attribués aux mêmes noms, génération après génération.

Cette bipolarisation s’est enlisée, transformant la démocratie en un jeu de chaises musicales où seuls les noms changent, mais jamais les dynamiques. Roshi Bhadain a voulu secouer ce statu quo, marquer une rupture avec ces héritages lourds qui pèsent sur l’avenir de Maurice. Sa démarche est celle d’un homme qui refuse d’être enfermé dans les cases ethniques et claniques, celles-là mêmes que les grands partis se plaisent à entretenir sous couvert de modernité. Le leader du Reform Party qui a mis son ego de côté pour faire alliance avec Linion Moris aspire à une politique où la compétence et la vision priment sur le lignage et le capital de séduction électorale. Une ambition audacieuse dans un paysage où tout semble orchestré pour faire tourner indéfiniment la même roue.

Le pays a besoin d’une politique qui reflète les aspirations d’une population en quête d’unité et de renouveau, non d’une guerre froide locale où deux blocs s’affrontent en rangs serrés. Cette bipolarisation entretenue nous divise en deux camps fermés, poussant les uns contre les autres au lieu de nous rassembler autour d’un projet commun. À chaque élection, les leaders d’alliances jouent le même air, vantant des mesures parfois interchangeables, avec des chiffres calculés pour attirer telle ou telle frange de la population. Mais en coulisse, les fils demeurent dans les mêmes mains. Les nouveaux venus, présentés comme le visage du changement, ne sont bien souvent que des visages plus jeunes placés là pour assurer la continuité d’un système que personne n’ose vraiment bousculer.

Si Maurice aspire vraiment à une démocratie consolidée, il est temps de briser cette mécanique. Sortons de ce jeu des dynasties, car la démocratie ne doit pas être l’apanage de quelques familles ou le reflet d’intérêts personnels habillés en programmes électoraux. Le renouveau de notre nation passera par l’émergence de citoyens investis, dont la légitimité ne repose pas sur le nom qu’ils portent, mais sur leur engagement et leur capacité à porter la voix d’une population diverse et pleine d’espoir.

Il nous appartient de faire vivre la démocratie dans sa pluralité et non dans ce duel imposé. Car les jeux d’influence et les querelles de succession n’ont rien d’une véritable démocratie. Ils sont des mirages qui nous détournent de l’essentiel : une île Maurice qui respire enfin un air de liberté et de renouveau, affranchie des héritages pesants d’un passé dont elle mérite de se libérer.