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Steven Obeegadoo : ministre tout-terrain
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Steven Obeegadoo : ministre tout-terrain
Il a de la verve, s’exprimant parfaitement dans la langue de Molière et celle de Shakespeare. Il cumule les portefeuilles ministériels et manie les dossiers avec une certaine aisance. Steven – ou Steve – Obeegadoo est probablement l’élu le plus calme, selon son entourage, à l’Assemblée nationale. Il faut dire qu’il est issu d’une famille instruite, son père Claude ayant été pédagogue, alors que sa mère Primerose, on ne la présente plus. Sa maîtrise de l’anglais et du français ravit les oreilles des puristes, et il n’y a que Shakeel Mohamed, selon ses collègues, qui peut rivaliser avec lui. Steve Obeegadoo se distingue surtout par sa courtoisie et son ton toujours affable. Jamais une crise de nerfs ni un accès de colère. Vu de l’extérieur du moins.
Cependant, – et on le réalise maintenant – son style posé, cultivé et même pédant, diront certains, lui sert parfois à camoufler ses mauvaises décisions. Il fait parfois preuve d’une mauvaise foi sous-jacente, se cachant derrière la forme pour négliger le fond, affirment ses détracteurs. Ainsi, lorsque 5-Plus Dimanche l’interroge en 2020 sur les squatters brutalement délogés à Pointe-aux-Sables en plein hiver, sa réponse est digne de Tartuffe : «La souffrance de l’humanité, je la ressens. C’est ma principale inspiration depuis que je suis adolescent.» Au Parlement, il nous a habitués à ses «thank you very much for this question, honourable member», une formule de politesse qui peut parfois désarçonner l’adversaire politique.
Avant d’embrasser une carrière politique, Steve Obeegadoo est avocat. Il a fait ses débuts auprès de grandes figures comme Madun Gujadhur, Jayen Cuttarree, mais aussi Ivan Collendavelloo, qu’il remplacera plus tard en tant qu’adjoint au Premier ministre. Cependant, malgré sa maîtrise de la rhétorique, Steve Obeegadoo ne brillera pas comme homme de loi. Un de ses confrères l’accuse même d’être plus intéressé par la politique que par sa profession. En fait, c’est la politique qui absorbera toute son énergie, notamment son désir d’être ministre. Steve Obeegadoo, qui s’est rasé la moustache il y a quelques années, probablement parce qu’elle faisait trop «Bérenger» ou trop «militant», a depuis longtemps adopté la posture d’un technocrate, loin du militantisme dit coaltar. Il quittera le MMM en 2018, las d’attendre avec le parti dans l’opposition.
Dans une de ses très rares interviews accordée à 5-Plus le 11 juillet 2020, depuis sa maison à Floréal, on apprend que c’est un homme raffiné, qui aime savourer du fromage et du vin rouge. Il écoute Debussy et Chopin pour se détendre dans «sa pièce préférée, son bureau aux canapés en cuir noir», lit de la poésie mexicaine – on ne sait pas s’il le fait en espagnol, en anglais ou en français – et apprécie les séances de marche rapide à Trou-aux-Cerfs. On raconte aussi que Steve Obeegadoo aurait fait face un jour à la colère d’un marcheur, car il promenait son gros chien Bouledou, ce qui est interdit, et le laissait faire ses besoins dans le parc. Un ancien conseiller de la ville de Curepipe raconte que c’est sous la pression d’Obeegadoo, dans les années 2000, que le cratère a été interdit aux véhicules : «Même si c’était une bonne décision, c’est en fait Steven qui a tout fait pour que les Curepipiens n’y viennent plus en voiture pour y boire un verre, manger du Kentucky et surtout parler bruyamment. Cela dérangeait Monsieur, dont la maison est située près du cratère.»
En devenant ministre, Obeegadoo se séparera de beaucoup de ses agents. La nomination de Donald Payen, par exemple, fera grincer des dents chez certains d’entre eux. Avec tout le sérieux du monde, Steve Obeegadoo dira, en devenant Premier ministre adjoint : «Vous ne me croirez ou pas, mais je n’ai pas pensé à l’argent. Mon épouse m’a toujours reproché de ne pas savoir gérer mes finances. Je ne vois que l’ampleur de ma tâche et de mes responsabilités, auxquelles je répondrai avec passion, intégrité et humilité.»
Pour rappel, Steven Obeegadoo a créé la polémique, non seulement par rapport au terrain à bail de sa mère, mais aussi récemment lorsqu’il a utilisé le mot «galimatias» en évoquant le dossier brûlant du terrain tamoul à Réduit. En dehors du fait d’avoir délogé plusieurs squatteurs alors que le pays était en confinement, on se souvient aussi de l’incident où le député Kenny Dhunoo et lui, présents à une cérémonie de remise des prix lors d’un tournoi de football à Résidence Malherbes, se sont fait copieusement insulter par des personnes de la région. Mardi dernier, ce sont ses agents qui ont semé le trouble lors d’une manifestation pacifique de l’opposition, toujours dans cette même région.
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