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Temps et tempos électoraux

3 septembre 2023, 11:45

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L’avantage dont dispose Pravind Jugnauth est qu’il est pratiquement le seul à savoir quand se tiendront les prochaines élections : en 2024 ou en 2025. Son dernier remaniement ministériel a pris ses ministres de court. Ses adversaires politiques disent le tout et son contraire sur l’exercice, mais tous redoutent d’être pris de vitesse et analysent ses moindres faits et gestes.

LA question qui domine, indépendamment de l’émergence de nouveaux acteurs sur l’échiquier national : Pravind Jugnauth pourra-t-il conserver le pouvoir ou Navin Ramgoolam saura-t-il mener l’alliance PTr-MMM-PMSD vers la victoire ? Les troisième, quatrième et cinquième forces ne pourront jamais s’unir tant les ego sont gonflés de part et d’autre.

Entre-temps, le Sun Trust met toutes les chances de son côté. Des lois et règlements liberticides, des représailles contre les adversaires et les opposants, l’agitation des institutions, les déclarations ministérielles et la servitude amplifiée de la MBC, la mise sous bol des conseils de district et de l’appareil d’État, presque tout indique que la vraie guerre se prépare. Une guerre, avec encore plus de moyens qu’en 2019, qui sera sans pitié, non pas entre deux adversaires, mais entre deux ennemis personnels, deux fils des deux dynasties qui ont régné et qui voudraient, coûte que coûte, protéger leurs acquis. Quitte à couper le pays en deux. Et nous tous avec.

Il nous faudra aussi conjuguer avec les suiveurs du MSM qui vont se mesurer à ceux du PTr. Tant pis pour ceux, comme nous, qui n’ont pas une vision manichéenne de la vie. Les principes absolus du bien et du mal nous seront servis à la sauce orange ou rouge. Sans nuances, et sans état intermédiaire. Les autres influenceurs politiques, at some point in time, vont se ranger dans l’un ou l’autre camp. Ayant réalisé, sans doute par manque d’audace, ou par pure complaisance exotique, que Maurice n’est pas encore prêt à se débarrasser à la fois d’un Jugnauth et d’un Ramgoolam, afin d’écrire un nouveau chapitre, sans ses dynasties politiques traditionnelles. À se demander si nous serons, un jour, enfin prêts à dire non aux alliances stratégiques de convenance, contractées sur l’autel du communalisme (ou communautarisme), pour parachever notre ultime émancipation politique ?

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Et notre rôle dans tout cela, me demandent sans cesse nos lecteurs et concitoyens ? Témoins des acteurs politiques qui tantôt nous caressent, tantôt nous étranglent, nous maintiendrons notre ligne éditoriale. Alors que les flagorneurs de service vont chanter les louanges de leur prince respectif, nous soulignerons, nous, les spectres de l’instabilité politique qui impactent foncièrement l’économie ; le secteur privé, face au duel Jugnauth/Ramgoolam, risque de s’enfermer dans un attentisme prudent, pour ne pas dire opportuniste. Sur le plan économique précisément, la visibilité demeure faible. Malgré ces mesures sociales, progressistes, il devient évident qu’on n’arrivera pas à inverser la tendance, et que notre taux de croissance ne dépassera pas le niveau pré-pandémique.

Peut-être cultivons-nous, un peu trop, cette fâcheuse tendance à mélanger politique – qui devrait être un art noble – et politiciens (des personnes que nous voyons quotidiennement se battre, en portant leur cash et leur caste en bandoulière). Ces quelques propriétaires de partis, qui semblent ne pas vouloir que Maurice s’émancipe du Best Loser System, du présent système électoral inique, et d’autres reliques coloniales.

Et cette question qui taraude toujours : la presse est-elle le reflet de la politique ou son moteur ? Les travaux, entrepris depuis quelques décennies dans les nouvelles sciences sociales, et nos observations, au quotidien, permettent de nuancer fortement cette idée d’une presse toute-puissante. Comme chacun est finalement libre de son opinion et de ses choix (comme celui d’acheter ou pas un journal), politicien comme journaliste, le chassé-croisé entre ces deux corps de métier risque de demeurer imparable. Certes, avec des moyens déloyaux ou immoraux, certains propagandistes, sous le manteau de journalistes indépendants et libres, vont, plus que jamais, nous imposer leur propagande ; la télévision nationale est, du reste, au service du gouvernement (du jour) pour intoxiquer les esprits à cet effet.

Si, par essence, on ne peut pas être objectif, en revanche, nous continuerons, contre vents et marées, notre devoir – moral et légal – d’être honnête vis-à-vis des faits d’actualité, pourtant loin d’être transparents à Maurice. La liberté d’informer, les règles de transparence (ces promesses jamais tenues par le pouvoir, quel qu’il soit) font de l’activité journalistique un pari audacieux – et risqué, surtout lorsque se profilent les élections.