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The making of a casting

11 juin 2024, 09:18

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Sommes-nous à même de saisir les mutations sociales qui transforment notre pays ? Nos formations politiques sont-elles restées trop figées dans le temps – et dans leur jeu de musical chair – pour contrecarrer durablement les défis qui se pointent déjà à l’horizon ? Ou vont-elles passer la balle aux générations prochaines parce qu’elles sont plus impliquées à arracher des rôles dans un casting d’un autre temps ?

Posons-nous la question. Avons-nous des partis nationaux, modernes, ou familiaux, arriérés ? Depuis longtemps déjà, les trois ou quatre partis qui dominent le jeu politique sont perçus comme des propriétés d’une seule famille ou de quelques patronymes influents. Au MMM et au PTr, les ailes pro-leader/propriétaire de parti ont tout fait tout pour contraindre au silence ceux qui tentaient ou qui tentent un renouveau du parti. Au MSM et au PMSD, personne n’osera contester le leadership. Malgré leurs zigzags, échecs et errements, ils s’accrocheront naturellement au poste de leader.

Ce faisant, ils trahissent la société nouvelle et les jeunes de leur propre parti. Au sein du MSM, dès 2015, les langues commençaient déjà à se délier sur l’après sir Anerood. Les regards étaient tournés vers le fils qui, petit à petit, allait s’emparer de la primature. C’était un exercice délicat : il convenait de ne pas frustrer les partenaires du PMSD et du ML, qui ambitionnaient de consolider leurs assises pour devenir, eux aussi, de grands partis en tentant d’attirer vers eux les clientèles traditionnelles du PTr et du MMM, de plus en plus émancipées du sectarisme traditionnel et déçues par l’immobilisme des leaders.

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Un fin observateur politique me confiait il y a quelque temps qu’il était «atterré de voir avec quelle facilité les confrères avalent goulûment englouti la couleuvre faisant accroire que Shakeel Mohamed a passé le relais à Arvin Boolell, parce que la convalescence de ce dernier était terminée. Je peux témoigner qu’entre le 15 avril et ce jour, Arvin n’était pas à l’article de la mort. Pourquoi ne pas chercher les autres raisons pouvant expliquer le retour de Boolell, notamment le difficile casting de la hiérarchie de l’opposition en cas de victoire ?»

Qu’en est-il du casting de l’opposition qui se dessine ? Navin Ramgoolam sera le n°1 et Paul Bérenger n°2. On pourrait arguer que Richard Duval n’aurait pas la prétention d’être sur un éventuel Front Bench en cas de défaite du MSM et de ses partenaires. Donc, le n°3 de l’alliance de l’opposition PTr-MMM-ND sera un travailliste. Serait-ce Shakeel Mohamed ? Si cela s’avérait, il deviendrait de facto le n°2 du PTr, donc éventuel futur leader des Rouges. Est-ce une révolution que Ramgoolam ou les partisans rouges envisagent allègrement ?

On le sait tous mais on ne le dit pas : Paul Bérenger a pu obtenir le départ de XLD du bloc PTr-MMM-PMSD faisant, selon ses calculs impitoyables, du MMM l’unique représentant de la population générale au sein de l’opposition. «Pour empêcher que sa base ne s’effrite davantage, il faut à tout prix que Reza Uteem soit placé avant Mohamed dans la hiérarchie», explique une source avisée du BP du MMM.

Donc si Boolell est le leader de l’opposition à la dissolution du Parlement, c’est normal qu’il soit le n°3 dans la hiérarchie de l’opposition. Il n’aurait pas pu l’être si Mohamed était leader de l’opposition. Aussi simple que cela !

Dans le cas qui se profile, le n°4 venant du MMM ne sera pas Ajay Gunness, le leader adjoint officiel, mais Uteem, le président du parti. Il devient manifeste que le MMM tente de présenter un casting qui lui permettrait de compter dans ses rangs les deux premiers représentants hiérarchiques des minorités. L’un est DPM et l’autre VPM. Pas mal comme carotte quand on a été si longtemps dans le désert.

Et Shakeel Mohamed dans tout cela ? Il se retrouverait au mieux au 7ᵉ rang, si Ramgoolam ne lui préfère pas un membre de la communauté tamoule ? Mais Mohamed gagne par ailleurs sur un autre tableau (qui ne l’intéresse pas trop) : peu importe l’issue des prochaines élections, il sait que sa pension sera supérieure à celle d’un ministre, soit celle payée au leader de l’opposition, la 2ᵉ après celle du Premier ministre.

Au fond, nos principales formations sont toutes quelque part en déphasage avec la réalité et le changement climatique qui aurait dû dicter les perspectives politiques. Pour changer la donne, il faut changer les règles du jeu et insister sur la transparence totale par rapport au financement des partis. À quoi cela sert-il de promouvoir sans grande conviction une loi sur le financement politique, un ministère et une culture de bonne gouvernance si les partis politiques eux-mêmes ne veulent pas être transparents sur l’état de leurs finances, sur les noms de leurs généreux contributeurs et des héritiers désignés d’office ?