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The making of ‘Deo’ in 1970 in Triolet – Pamplemousses

11 novembre 2023, 10:28

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The making of ‘Deo’ in 1970 in Triolet – Pamplemousses

Dev Virahsawmy entoure l'épaule de l'adversaire dont il a triomphé facilement, Boodram Nundlall, suivant l’élection partielle en septembre 1970.

Avant qu’il ne devienne, dans la dernière partie de sa vie, le principal apôtre de la langue Kreol et de la culture du fruit-à-pain, Dev Virahsawmy s’imposa comme un personnage politique de premier plan en 1970 et cela, à la faveur d’une élection partielle et d’une étonnante victoire.

En 1970, pour avoir été un parti marxiste-léniniste-maoïste-castriste * prônant la révolution prolétaire, le MMM s’opposait au système parlementaire jugé ‘bourgeois’ et ‘néocolonial’. Dev Virahsawmy – dans les faits le no 2 du MMM après Paul Bérenger et suivant le départ de Jooneed Jeeroburkhan au Canada – avait même trouvé une formule fracassante pour dénoncer le Parlement. En parodiant le terme français ‘parlementaire’, Dev Virahsawmy disait que les gens qui y siégeaient passaient leur temps à ‘parle-menteur’, c’est-à-dire ‘koz menti’.

Le sort a voulu que Dev Virahsawmy finisse par devenir le premier parlementaire du MMM dans l’histoire de ce parti. En fait quand le député bissoondoyaliste Lall Jugnauth, élu à Triolet – Pamplemousses (n° 5) en 1967 dans le cadre de l’alliance PTr-CAM-IFB, mourut le 1er août 1970, une élection partielle devint nécessaire. Le pays vivait alors sous un gouvernement qui avait coopté le PMSD depuis 1969, avec le départ de l’IFB et quelques éléments duvalistes. Et le n° 5 était le bastion du Premier ministre lui-même, c’est-à-dire sir Seewoosagur Ramgoolam.

D’après le raisonnement politique qui s’imposait alors sur la base des données existantes, il ne faisait aucun doute que les Travaillistes allaient conserver ce siège au n° 5. Mais c’était sans compter les jeunes barbus se réunissant à Quatre-Bornes et qui avaient transformé un petit club d’étudiants en un parti politique, le Mouvement militant mauricien (MMM). Nom créé par Chafeek Jeeroburkhan, le frère de Jooneed. Les révolutionnaires discutèrent longuement de cette élection partielle et finalement une école de pensée se fit prévaloir. Selon ce raisonnement bien léniniste, puisque le parti visait la révolution, pourquoi ne pas utiliser une arme de l’ennemi lui-même, rentrer chez lui et l’abattre éventuellement ?

C’est ainsi que le MMM prit la décision de contester la partielle dans le n° 5. Le choix tomba automatiquement sur Dev Virahsawmy. Le jour du Nomination Day, le MMM annonça aussi la candidature de Heeralall Bhugaloo. C’était suivant une proposition d’un militant qui expliqua à ses camarades que le parti devrait s’armer pour faire face à toute contestation de la candidature de Dev Virahsawmy sur des points purement techniques. Le MMM s’arma contre toute adversité. Evidemment et comme convenu, Heeralall Bhugaloo fit enlever son nom le jour du retrait des candidatures.

Le Parti travailliste aligna le directeur de la compagne d’autobus Triolet Bus Service (TBS), Boodram Nundlall, membre du puissant et riche clan des Nundlall-Baichoo-Sukai.

Issu d’une famille de commerçants très respectés dans le Nord, Dev Virahsawmy devait lui aussi partir avec quelques atouts. Pour commencer, tout le réseau IFB, un parti ayant encore des assises dans les villages, prit la décision de soutenir le MMM.

Les mauves disposèrent ainsi eux aussi d’une solide dhoti brigade menée par des notables de Triolet, dont le grand planteur Soogrim Jhurry père du médecin Jyaneshwar qui fut élu député par la suite en deux occasions. Dans le camp du MMM, on comptait aussi Parladsingh Seekun, propriétaire de boulangeries et planteur lui aussi. Drona Seekun, fils de ce dernier, agit dans les faits comme le Campaign Manager du MMM, lui qui connaissait tous les coins et recoins de la circonscription. Le jour du scrutin, le grand Sookdeo Bissoondoyal vint prêter main-forte dans la région de Pamplemousses.

Le symbole même du MMM – le cœur – devint une redoutable arme de combat dans la circonscription surtout auprès des chachis. En effet, des militants soit de la région soit venus d’ailleurs proposèrent aux meneurs de la campagne de présenter le symbole non pas comme un cœur mais plutôt comme une feuille de bétel, une paan ke patta en bhojpuri. Voilà le symbole d’un parti marxiste-léniniste-maoïste-castriste devenu un accessoire incontournable du culte hindou. En effet, une succession de feuilles de bétel est utilisée pendant une cérémonie sanataniste. On ne pouvait inventer message plus clair que de demander aux chachis de voter pour la paan ke patta. En fait, le symbole cœur domine sur tout bulletin de vote. On doit au militant et artiste Kreeti Goburdhun le choix du cœur comme symbole du MMM.

En 1970, dans le n° 5 comme ailleurs, le chômage avait atteint des proportions alarmantes. Les baby-boomers nés après 1945 ruaient dans les brancards et le MMM ne tarda pas à les attirer. En 1970, l’électorat travailliste était encore très hostile envers le PMSD. C’est bien des années après que le PMSD s’est fait voir comme un allié fidèle soit aux Travaillistes soit au MSM dans l’exercice du pouvoir. Le Duval-bashing rapporta des dividendes au MMM et personne ne pouvait mieux mener cet exercice que Paul Bérenger lui-même.

Affectueusement connu comme ‘Deo’ dans la prononciation bhojpuri de ce nom, Dev Virahsawmy bénéficia d’un véritable culte de la personnalité. Au même titre que Heeralall Bhugaloo, Dev Virahsawmy s’imposa comme un puissant orateur. Il utilisait l’arme de l’humour à la perfection. Ainsi, parlant de l’aberration que serait le communalisme, le candidat mauve aimait raconter l’expérience vécue par Basdeo, un petit planteur et éleveur de cabris. Une nuit, Basdeo entendit des cris dans son étable. Suspectant un vol, Basdeo s’arma d’une barre de fer et se dirigea vers son étable. Que voit-il ? Son ami Sookdeo en train de dérober ses animaux. Sur ce, Basdeo dit : ‘Sookdeo, twa sa ? Pena problem. Kokin parski to memm jati ki mwa’. Sur ce, Dev Virahsawmy demandait à l’assistance si, au nom du communalisme, on adopterait la même attitude que Basdeo.

Autant que la rhétorique du MMM était foudroyante, le tandem Ramgoolam-Duval éprouva de la peine à s’affirmer sur le terrain. Plusieurs de leurs réunions prenaient fin dans le désordre, des ministres fuyant les lieux. Au niveau même des arguments, l’adversaire ne savait pas comment prendre le MMM à défaut. Ainsi si à un meeting travailliste-PMSD, on dénonçait le MMM comme un parti communiste, le ministre Lutchmeeparsad Badry, lui, affirmait que le MMM était un faux parti communiste. «Vrais communistes c’est nous», déclarait-il. Il est vrai que Badry était alors incontournable dans le business d’octroi de bourses à des jeunes Mauriciens voulant aller étudier dans les pays communistes.

Les résultats de cette partielle furent implacables. Dev Virahsawmy récolta 74 % des votes et battit Nundlall par plus de 5 000 votes.

Cette victoire électorale de septembre 1970 vint élargir et consolider les assises du MMM. Pour Dev Virahsawmy, ce fut le sommet de sa carrière politique. En décembre 1971, il se fit emprisonner en même temps que Paul Bérenger. L’élu de Triolet ne devait par la suite jamais retrouver sa gloire politique. Il se présenta encore au n° 5 comme un dissident du MMM en 1976. Il récolta 7 % des votes, perdant ainsi sa ‘caution’. Les Travaillistes remportèrent les trois sièges au n° 5 en 1976.

Dev Virahsawmy devait par la suite briller dans d’autres domaines. Il laisse un riche héritage autour duquel bien d’événements vont se produire dans les mois et années à venir. Il serait souhaitable que le plus grand nombre de Mauriciens que possible puissent apprécier le patrimoine qu’il nous lègue.

*A sa naissance, le MMM s’inspirait du combat et des œuvres des grands révolutionnaires comme Karl Marx, Vladimir Lénine, Mao Zedong et Fidel Castro.