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Questions à…
Toto Lebrasse : «Ces dix dernières années, on a mieux honoré Serge car avant il était mis de côté»
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Toto Lebrasse : «Ces dix dernières années, on a mieux honoré Serge car avant il était mis de côté»
Toto Lebrasse, fils de Serge Lebrasse
Aujourd’hui, c’est Sega Day. Une journée décrétée l’année dernière, en mémoire de Serge Lebrasse, qui nous a quittés le 6 avril 2023 à 92 ans. Un an après, son fils Toto parle de l’envergure qu’il souhaite donner à l’héritage musical laissé par ce monument de la culture mauricienne.
Vous participez aux activités officielles du Sega Day ?
Pendant un an, nous avons fait le deuil de Serge Lebrasse. Ma maman (NdlR : Gisèle, l’épouse de Serge Lebrasse) est en Australie. Là-bas, il y aura un tribute à Serge Lebrasse, le 20 avril. J’y participerais avec Linzy Bacbotte, Jason Heerah, Serge Lebrasse junior, mon grand frère, et la troupe Kanasuc, qui existe aussi en Australie.
Avec Kanasuc, vous avez une quarantaine d’années de carrière dans l’animation au Touessrok, non ?
Depuis 2018, je suis sorti de l’exécutif du Shangri-La Le Touessrok pour devenir entertainment service provider, soit fournisseur pour Le Touessrok, Lux Belle-Mare et Anahita. Dans quelques années, je compte arrêter.
La musique ? Non, mon métier. Je suis un gestionnaire d’artistes et consultant en animation. J’ai deux filles : Fiora et Roxanne, qui aident à l’épanouissement du business familial. L’après, c’est la House of Lebrasse. Je ne suis plus un chanteur, qui va faire la star, «al ranplas Serge Lebrasse sipaki».
Vous parlez d’hommage en Australie mais pas de Sega Day à Maurice ?
Il n’y a pas vraiment de spectacle en hommage ici. Je suis un catholique. Pour moi, ce jour-là commencera par une messe demandée à Curepipe par ma sœur Sonia Travailleur. Ensuite, il y aura un dépôt de gerbes sur la tombe de Serge Lebrasse au cimetière de Saint-Jean. À midi, il y aura un tree planting à la municipalité de Rose-Hill. Nous avons travaillé sur un site web, sergelebrasse. com, qui sera lancé dans le cadre du Sega Day. Il contient une biographie de Serge Lebrasse et des photos. Nous voulons y proposer du téléchargement légal payant de ses chansons. Nous avons eu beaucoup de demandes.
Le Sega Day c’est aussi la fête du séga, ce n’est pas centré uniquement sur Serge Lebrasse. Je souhaite marquer cette date, pas seulement pour nous mais aussi pour tous ces autres chanteurs, qui ont œuvré pour le séga à Maurice.
Après le site web, il y aura un livre que j’ai écrit. Il regroupe les chansons de Serge Lebrasse, des articles de presse, des anecdotes. J’espère qu’il paraîtra en juin pour l’anniversaire de sa naissance.
Avez-vous été consulté par les autorités avant la proclamation du Sega Day, le 12 mai 2023 ?
La famille est honorée, une grande partie se trouve en Australie. Là-bas, le tribute est déjà organisé, ici, ça a tardé à venir, même si le Sega Day a été annoncé depuis l’année dernière. Je ne souhaite pas polémiquer. Il y a un concert prévu le 13 avril, au Plaza. Je pars pour l’Australie le 9 avril. C’est ma fille Roxanne, qui collabore avec les organisateurs.
Est-ce un hommage à la mesure de Serge Lebrasse ou y a-t-il d’autres choses à faire ?
Tout dépend comment on considère Serge Lebrasse. On a parlé de la Place Serge Lebrasse, devant sa maison. D’autres ont proposé que Cité Plaisance porte son nom (NdlR : une proposition de Sylvio Michel). Mon papa m’a toujours dit : «Na pa fer politik, se enn gato ki to koup an de.» Je respecte ça parce que je veux le gâteau tout entier.
Il a aussi été annoncé que le 6 avril, des ségatiers se produiront à l’aéroport pour accueillir ceux qui atterrissent à Maurice. Vous pensez quoi de cette initiative du ministère des Arts et du patrimoine culturel ?
C’est génial (rires). Je ne sais pas qui a eu cette idée. Plus sérieusement, «tan ki gouvernman donn travay artis, mo kontan». J’ai commencé dans l’animation, dans les hôtels en 1984. Depuis l’âge de 13 ans, j’ai été chanteur et danseur de séga avec mon papa. Je connais les difficultés du métier. En tant que responsable de l’animation, je pense avoir contribué à l’amélioration des conditions de travail des groupes, qui se produisent dans des hôtels.
Avant, il n’y avait pas de lieu pour que les artistes se changent. «Pena manze, pena nanye.» Il a fallu cultiver le respect pour le groupe. Tout le monde ne l’a pas fait. Aujourd’hui, au moins 50 % des hôtels leur proposent un endroit pour se changer.
Seulement 50 %?
Il faut arriver à considérer les artistes mauriciens comme des artistes. Quand un artiste étranger vient se produire chez nous, il reçoit un traitement VIP, un gros cachet. Alors que les touristes veulent voir la culture mauricienne.
Quand on me demande un devis pour un show, je mets toujours l’item hospitality, avec des conditions pour recevoir les artistes. Cela doit devenir la norme. Une loi, The Status of Artist Act, a été votée. Je ne sais pas qui ils sont allés voir pour en discuter. Il faudrait parler aux gens d’expérience dans l’animation.
Revenons au Sega Day, décrété après la mort de Serge Lebrasse. Est-ce que de son vivant, sa contribution à la musique mauricienne a été suffisamment honorée par les autorités ?
Durant les dix dernières années de sa vie, on l’a honoré plus correctement. Avant ça, il était un peu mis de côté. Il ne faut pas oublier que dans les années 1970, quand le tourisme a démarré, l’image de l’ancienne île de France, qui a été vendue, c’est celle de Serge Lebrasse et de ses danseuses en face du Morne. Je ne suis pas négatif mais je ne sais pas s’il a été récompensé pour ça. Je ne dis pas ça pour le gouvernement actuel mais pour tous ceux qui sont passés au cours des 50 dernières années. À 62 ans, je me permets de le dire.
Serge Lebrasse faisait partie des artistes qui touchaient la «pension» des artistes de la Mauritius Society of Authors. Le maximum c’était Rs 2 500 par mois jusqu’à ce que la MASA stoppe les paiements en juin 2023, faute de fonds. Votre sentiment ?
Ma maman est mieux placée pour vous répondre. C’est elle qui devait recevoir cette pension. Can I feel for her? Nous, nous ne pouvons que dire «get sa madam la, inn koup so pansion». Il faut poser cette question aux autres artistes et aux épouses des artistes défunts, qui ont contribué à la mise en place de la culture mauricienne.
Est-ce que Serge Lebrasse avait pu vivre de ses royalties ?
Avant, il était enregistré à la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de musique (SACEM) en France. Ses droits d’auteur étaient conséquents. Il en a reçu de la MASA aussi. Il chantait dans des hôtels. D’autres chantaient ses titres dans des hôtels, il passait à la radio. Il se produisait à La Réunion, en France et ailleurs. Mais durant les dernières années, c’était des miettes. La valeur de l’argent n’est plus la même.
Et pour ses héritiers, quelles perspectives d’avenir ?
Le copyright n’est pas gagnant. C’est la vente en ligne qui rapporte. Je ne fais pas le site pour ça. Le plus important c’est de partager ce qu’il a laissé.
Serge Lebrasse avait un «home studio», toute une collection de disques, d’instruments à son domicile à Plaisance, Rose-Hill. Qu’adviendra-t-il de ces lieux où il a vécu pendant de longues années ?
Tout est toujours là. Nous avons un projet de longue date de «segatorium». Il y a beaucoup de choses à numériser. «Pa mo laz sa.» Laissons le temps faire les choses. C’est aux jeunes de prendre la relève. La famille aura besoin d’aide pour ne pas perdre cette caverne d’Ali Baba. Ma maman a beaucoup de choses à raconter. Il faudrait que quelqu’un aille la voir pour faire cet exercice. Combien de prix Serge Lebrasse a eu ? Dans combien de pays il est allé ?
Combien d’albums a-t-il enregistrés ?
Dans le livre, j’ai recensé 66 albums édités, que ce soit des 45 Tours, des cassettes, des albums. Il y a presque une centaine d’albums composés. «Ti konpoze met dan kwin.»
Un jour des inédits sortiront ?
D’abord, nous mettons à disposition ses enregistrements sur le site web. Le volume 1 c’est de 1959 à 1961. Le volume 2 c’est de 1961 à 1965.
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