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Blue Penny Museum

Tout ce qu’îles nous disent

18 novembre 2024, 18:00

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Tout ce qu’îles nous disent

Ce tableau avec une réinterprétation de l'Union Jack et des interdictions de circuler évoque la situation des Chagossiens.

C’est la rencontre entre des cartes monumentales, détournées et réinterprétées par l’artiste français décédé Patrice Cujo, avec la collection de timbres sur les cartes des îles du monde entier de Jean-Claude Castelain. L’exposition «Îles. La carte et le territoire» ouvre les frontières, au Blue Penny Museum, jusqu’au 8 février 2025.

Timbres dédiés à la cartographie

Jean-Claude Castelain est un Mauricien installé au Québec. C’est la première fois qu’il montre sa collection de timbres ayant pour sujet la carte géographique, le relief des îles. Parmi les curiosités, des timbres du British Indian Ocean Territory (BIOT) que l’Union Postale Universelle a retirés de la circulation en 2021. «Maintenant ce sont des objets historiques pour dénoncer l’un des actes du colonialisme.»

Cette collection de timbres spécialisée a une bonne part consacrée aux, *«îles de la discorde», explique JeanClaude Castelain. Ces timbres rappellent plusieurs questions de souveraineté, comme aux Malouines. «J’ai aussi bien les timbres émis par les Anglais pour les Falklands que les timbres des Argentins pour Malvinas.» Dans la collection, il y a «un timbre de la Corée du Nord que j’ai eu du mal à acheter à cause de l’embargo américain. J’ai été obligé de l’acheter en Suède.» lexp - 2024-11-18T154210.573.jpg

Jean-Claude Castelain s’est intéressé spécifiquement aux timbres montrant des cartes «parce que je suis un insulaire qui a tout le temps travaillé sur les îles. En vivant au Québec, j’ai découvert que l’insularité n’a rien à voir avec les îles. On est isolé dans les grands espaces, mais dans une île on n’est pas isolé. Il y a un isolement géographique mais pas un isolement mental. La mer est notre prolongement». Il rappelle que «n’importe quoi ne peut pas être une île. Un caillou avec un drapeau dessus, ce n’est pas une île. Une île est calculée par un indice côtier, des normes des Nations unies».

Jean-Claude Castelain nous invite à comparer l’insularité avec le concept d’îléité, «comment en vivant dans des îles nous développons une culture comme le Français dans l’Hexagone. On n’est pas emprisonné»*. En parlant d’îleprison, un timbre de Robben Island figure dans l’exposition.

«Îles. La carte et le territoire». Exposition gratuite jusqu’au 8 février 2025 au Blue Penny Museum. Ouvert tous les jours sauf dimanche et jours fériés.

Voyages à la carte avec l’artiste Patrice Cujo Renverser les cartes. Se focaliser sur l’océan, plutôt que sur les terres qui le bordent. Un jeu de vraies-fausses pistes pour nous guider vers de nouvelles contrées imaginaires.

La mère-terre a les contours de divinités antiques. «C’est seulement quand l’œil se fixe sur les parties noires que l’on se rend compte que c’est l’océan Indien. Cela recrée une mythologie de l’océan Indien, avec des caractères d’écritures des pays frontaliers», décode Emmanuel Richon, conservateur du Blue Penny Museum. Présentation des cartes monumentales, détournées et réinterprétées par l’artiste Patrice Cujo, décédé en septembre dernier. Avec la collection de timbres de Jean-Claude Castelain (voir hors texte), ces œuvres font partie de l’exposition La carte et le territoire, qui s’est ouverte le vendredi 15 novembre. Elle restera visible jusqu’au 8 février 2025.

Un archipel à l’histoire bouleversée, à la population déracinée, a beaucoup retenu l’attention de Patrice Cujo. Il s’agit des Chagos. Point commun entre deux œuvres qui traitent de l’archipel, la couleur dominante est une mer de sang. L’une des œuvres est en réalité constituée de sept tableaux mis bout à bout. Elle fait sept mètres de long, avec, au milieu, l’Union Jack transformé. Sur fond rouge, des panneaux d’interdiction de circuler, en référence à «toutes les difficultés de Chagossiens quand les Anglais leur ont imposé des restrictions, avec le grand départ de leurs îles».

L’autre œuvre porte en plein milieu une citation de la pièce Le Cid, de Corneille : «Le temps assez souvent a rendu légitime ce qui semblait ne se pouvoir sans crime.» Un rapprochement entre le dilemme cornélien et ce qui s’est passé – et se passe encore – aux Chagos.

Ce qui entre en résonance avec l’une des cartes où on voit Maurice, toute petite, toute seule, tout en bas. En haut, «un aspect cyclonique. J’ai mis du temps à me rendre compte que ce n’était pas un brouhaha mais une carte du monde inversée». Ouvrant la porte aux réflexions sur l’insularité et l’isolement de l’île face au reste du monde. Emmanuel Richon rencontre Patrice Cujo en 2009. Mais comme l’artiste rentrait en France, l’idée d’exposition ne s’est pas concrétisée. Ils restent en contact. En février de cette année, Patrice Cujo propose de faire don de sept de ses tableaux au Blue Penny Museum, ce que le conservateur accepte avec enthousiasme. Patrice Cujo a longtemps vécu et voyagé dans l’océan Indien, que ce soit à Maurice, Rodrigues, La Réunion, les Seychelles. Patrice Cujo est décédé en septembre de cette année.