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2024

Un air de 1967 ?

4 octobre 2024, 08:00

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Un air de 1967 ?

Sir Seewoosagur Ramgoolam et ses colistiers, Ramsoondur Modun (à.g) et Lall Jugnauth, victorieux aux élections générales d'août 1967.

L’opposition parlementaire, qui boucle sa liste de candidats, évoque ces jours-ci les élections du 7 août 1967 pour souligner l’importance du choix devant l’électorat – qui est loin d’être un bloc monolithique.

En 1967, ce journal défendait, dans ces mêmes colonnes, l’idée qu’il fallait bien saisir les implications du vote à venir et comprendre que nous n’avions pas le droit de faire «un choix égoïste, étriqué et à court terme». Choisir pour les 30-40 prochaines années n’est jamais une chimère. C’est choisir pour nos enfants, quelle que soit l’année. En ce sens, la décision du 7 août 1967 aura dicté notre conduite et notre action pour les décennies à venir.

À l’époque, le revenu par tête d’habitant dépendait de la production par personne avant tout. La production résultait de la quantité et de la qualité du travail, et des idées – et du planning de ces idées – qui inspiraient et guidaient cet effort national, collectif.

Le revenu de Maurice était de seulement Rs 1 080 par tête d’habitant en 1965. Et pratiquement toute notre économie dépendait de la production sucrière. Mais décider, en août 1967, en fonction du prix du sucre exclusivement aurait été une trahison pour notre pays et notre population. Le sucre, roi qui s’agitait sur son trône, ne pouvait suffire. Il avait besoin d’autres partenaires pour répartir les risques et diversifier l’économie. Comme aujourd’hui, on avait besoin de nouveaux pôles de croissance et de développement économique.

Une transformation de l’économie était plus que nécessaire afin aussi de retenir notre main-d’oeuvre et inverser la fuite des cerveaux – qui, à n’en point douter, aura toujours bercé notre histoire contemporaine. Le capital avait besoin de la main-d’oeuvre pour fructifier et la main-d’oeuvre avait besoin du capital pour s’employer. L’émigration massive comme objectif politico-économique nous semblait comme une solution antinationale.

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Le scrutin de 1967 a marqué un tournant crucial dans l’histoire de Maurice, déterminant l’accession du pays à l’Indépendance. Les enjeux de l’époque, largement structurés autour de questions identitaires et du rapport avec la métropole britannique, semblent aujourd’hui lointains, mais certaines résonances persistent. L’échéance électorale de 2024 présente des similitudes frappantes avec celle de 1967 : un pays en quête de transformation économique et une nécessaire redéfinition de sa main-d’oeuvre pour répondre aux exigences d’un monde globalisé.

Alors que les électeurs de 1967 se trouvaient confrontés à une décision historique, celle de l’Indépendance, ceux de 2024 se trouvent face à un autre choix fondamental : celui de repenser le modèle économique et de remodeler les structures du marché du travail. Les défis sont nombreux, notamment l’adaptation aux mutations technologiques, la transition vers une économie plus durable et la nécessité de renforcer les compétences locales pour soutenir la compétitivité internationale. La transformation de l’économie doit passer par une revalorisation des savoir-faire et une refonte des approches éducatives et professionnelles, afin d’éviter une dépendance excessive à l’importation de main-d’oeuvre étrangère.

En 1967, la peur de l’inconnu, symbolisée par les images de famine et de guerre au Biafra utilisées par le PMSD, a failli détourner Maurice de sa trajectoire vers l’Indépendance. En 2024, la tentation d’une politique protectionniste ou d’une gestion court-termiste des défis économiques pourrait avoir des conséquences tout aussi désastreuses. Maurice doit aujourd’hui faire le pari de l’audace et de l’innovation, tout comme en 1967, pour tracer son avenir.

Aujourd’hui, les vieilles divisions ethniques et sectaires ne devraient plus dicter nos choix politiques. À l’instar des réformes constitutionnelles de l’époque, il est temps de moderniser notre système électoral pour qu’il réponde aux réalités contemporaines. Le vote de 2024 ne doit pas être influencé par les peurs du passé, mais plutôt guidé par une vision éclairée et réfléchie de l’avenir. Tout comme en 1967, l’élection de 2024 sera un moment décisif pour déterminer la voie à suivre pour Maurice, avec ou sans ses acteurs dynastiques.