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Gaspillage alimentaire
Un changement… élémentaire
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Gaspillage alimentaire
Un changement… élémentaire
Grâce au projet de loi en préparation, certaines personnes vont devoir se réinventer pour éviter de jeter les produits alimentaires encore consommables à tort et à travers. © AFP
Une quantité considérable de denrées alimentaires est jetée quotidiennement dans le monde. À Maurice, on parle de 118 600 tonnes. Un projet de loi pour lutter contre ce gaspillage est en voie de finalisation. De plus en plus de personnes comprennent l’importance de ne pas gaspiller des aliments qui pourraient encore être utiles.
Des millions de tonnes de nourriture encore bonne à manger jetées alors que des millions de personnes meurent de faim… En 2023, chaque pays présente ses propres statistiques en matière de déchets alimentaires. Le Waste & Resources Action Programme (WRAP), une organisation caritative britannique, met en lumière le fait que 4,5 millions de tonnes d’aliments sont jetées chaque année au Royaume-Uni, alors qu’ils auraient pu être consommés. D’autre part, le gouvernement australien estime que son pays gaspille 7,3 millions de tonnes de nourriture annuellement, équivalent à environ 20 milliards de dollars australiens (environ Rs 600 milliards). Selon les dernières estimations des autorités mauriciennes, le gaspillage atteint environ 118 600 tonnes par an, un chiffre élevé compte tenu de la densité de la population locale.
Avec l’introduction d’un nouveau projet de loi (encore au stade de Draft Bill on Prevention of Food Waste in Mauritius), un appel sera lancé aux acteurs du secteur alimentaire pour qu’ils n’endommagent ni ne jettent les produits invendus qui pourraient encore être consommés. Dans cette optique, ces produits devraient être redistribués sous forme de dons aux organisations non gouvernementales (ONG) qui oeuvrent pour la distribution de vivres aux personnes démunies.
Cette nouvelle est accueillie favorablement par ces organisations, dont le nombre de bénéficiaires a tendance à augmenter mois après mois. Selon Tony Ah Yu, fondateur du Resto du Coeur d’Albion, certaines entreprises ont déjà pris l’initiative de fournir ce service avant même que ce texte ne devienne loi. Cependant, il souligne que beaucoup de gens ne savent pas faire la distinction entre un produit marqué comme «à consommer de préférence avant» et un produit approchant de sa date d’expiration.
Il explique que la durée de vie de certains aliments, tels que les grains secs, ne se limite pas à une date d’expiration stricte, mais que les normes internationales obligent les fournisseurs à indiquer une date de péremption. L’expiration est souvent associée aux médicaments, tandis que certains produits fragiles peuvent développer des risques tels que la salmonelle, nécessitant ainsi une date d’expiration. Cependant, la majorité des dates appartiennent à la catégorie «à consommer de préférence avant» (best before). Certains produits restent encore comestibles cinq à six mois après cette date.
Il fait partie de ceux qui militent pour que la consommation de ces produits ne soit pas réservée exclusivement aux «pauvres et nécessiteux». Il insiste sur l’importance de faire la distinction, soulignant que même les personnes de classe moyenne devraient éviter de gaspiller ces produits. Il plaide en faveur de la redistribution de ces produits plutôt que de les jeter, suggérant de les donner à des ONG locales qui pourraient les distribuer à ceux dans le besoin. Au Resto du Coeur d’Albion, ils sont confrontés à des situations où certains dons parviennent à eux dans un état proche de la date d’expiration. Cependant, Tony Ah Yu lance un appel aux entreprises effectuant ces dons : «Il est important de prendre conscience que le produit atteindra sa date d’expiration dans environ un mois. N’attendez pas la dernière minute pour nous faire parvenir le don. Essayez de le faire légèrement à l’avance afin que nous ayons le temps de le redistribuer. Lorsque nous recevons soudainement 1 500 voire 3 000 produits en une seule fois, il devient difficile de les distribuer efficacement à ceux qui en ont besoin.»
Caritas Maurice bénéficie également de ces dons grâce au soutien de FoodWise, une organisation à but non lucratif. Patricia Adèle-Félicité, secrétaire générale de l’association, explique : «Nous travaillons en étroite collaboration avec FoodWise. L’organisme coordonne l’ensemble du processus, ce qui permet également aux entreprises de ne pas avoir à négocier avec plusieurs associations.» Elle souligne l’importance de disposer d’une logistique adéquate pour recevoir et distribuer les produits, en particulier ceux qui nécessitent une réfrigération. Caritas Maurice a même équipé ses équipes de réfrigérateurs capables d’accueillir ces produits. «Nous avons la chance de recevoir fréquemment des dons d’une entreprise du Sud, et nous pouvons compter sur FoodWise, qui nous apporte une aide précieuse. En contrepartie, nous contribuons aux frais de transport.»
Patricia Adèle-Félicité révèle qu’à ce jour, Caritas Maurice gère une base de données comprenant entre 7 000 et 8 000 familles, variant en fonction des périodes. Les familles bénéficiaires comptent généralement entre six et sept personnes, touchant ainsi environ 40 000 à 50 000 individus. Elle souligne également la présence de 52 équipes réparties à travers l’île, mettant en évidence l’ampleur de l’engagement de l’association.
Le gaspillage alimentaire concerne également les hôtels et restaurants. Cependant, dans certains grands hôtels, une mécanique bien établie est déjà en place pour le minimiser. Preetam Bhugloo, président du syndicat des employés de l’hôtellerie et des restaurants, explique : «Les plats du buffet froid, tels que les sauces ou les salades, sont conservés dans des chambres froides pour être réutilisés ultérieurement. En ce qui concerne les repas chauds dans les buffets, ceux qui ne sont pas consommés sont emballés et fournis aux associations qui les redistribuent aux familles dans le besoin. Cela se fait notamment à Case Noyale, La Gaulette, et Rivière-Noire.»
Cependant, il est également possible que les employés bénéficient des surplus de repas. «Le surplus est distribué dans la cantine. Quant aux repas consommés mais restant dans les assiettes des clients, ils sont triés dans différentes corbeilles. Afin de préserver l’ordre, les papiers utilisés sont disposés d’un côté, les repas d’un autre côté, et ainsi de suite. Certaines associations récupèrent ces restes pour les redistribuer aux animaux, participant ainsi à la réduction du gaspillage alimentaire. Les repas commandés à la carte sont généralement ceux qui entraînent le moins de gaspillage.» Certaines compagnies ne devraient pas avoir de difficulté à mettre en oeuvre la future loi, car un travail préparatoire est déjà en cours. Cependant, la partie la plus délicate consistera à obtenir le respect de ces consignes de la part de la population.
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