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«No Story is an Island»
Un dialogue avec le passé pour un futur désiré
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«No Story is an Island»
Un dialogue avec le passé pour un futur désiré
La plasticienne Nirveda Alleck présente actuellement son exposition «No Story is an Island» au Caudan Arts Centre. Une exposition qui nous incite à nous questionner.
«No Story is an Island.» Voilà un intitulé qui fait écho à la citation du poète John Donne : «No Man is an Island.» Depuis 2007, la plasticienne Nirveda Alleck interroge le passé, à la recherche de l’identité, que ce soit l’identité propre ou collective, et notamment l’identité insulaire au cœur des îles Mascareignes. Avec «No Story is an Island», sa dernière exposition actuellement visible au Caudan Arts Centre, elle dit faire un résumé de toutes ses recherches. Elle présente ainsi 14 œuvres, dont deux installations.
«Après ‘Continuum’, mon travail qui représentait des personnages de différents pays et qui tournait aussi autour des identités et comment les gens se définissent en communauté, je me suis plus intéressée à l’histoire de Maurice, notamment au peuplement, à l’esclavage et à la représentation du corps humain. Finalement, je faisais exactement ce que les ethnographes de l’époque faisaient. J’ai donc fait des recherches autour de la représentation du corps humain à travers l’histoire, à travers le peuplement de Maurice, et je me suis tournée vers les travaux des naturalistes de l’époque, dont ceux du Français Jacques-Gérard Milbert en 1800.»
De ses recherches, Nirveda Alleck va faire des découvertes étonnantes. Elle va notamment agrandir les estampes de Jacques-Gérard Milbert pour analyser les détails, soit des représentations, en arrière-plan, de personnages qui s’y trouvent. La plasticienne va également se rendre à l’île de La Réunion pour, entre autres, voir comment les artistes naturalistes avaient représenté le corps humain dans les années 1800 à monter. Elle découvre les travaux du naturaliste français Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent.
Et elle comprend que les naturalistes avaient peint non pas des esclaves dans leurs vies quotidiennes, mais ceux qui les avaient accompagnés lors de leur expédition. Elle remarque aussi que dans ses travaux, Milbert ne montre pas les colons. Nirveda Alleck va poursuivre ses recherches à l’Iconothèque historique de l’océan Indien où elle va découvrir les premières photographies faites par Désiré Charnay dans l’océan Indien en 1863, à La Réunion. «Et c’est là qu’ils vont commencer à catégoriser les gens. Dans les références ils mettent toujours ‘type’. Par exemple, type mozambicain, type malgache. C’était relatif à l’origine de la personne. Ces photos de femmes, d’hommes et d’enfants faites après l’abolition de l’esclavage ressemblent à celles d’esclaves. Mais, au fait, ce sont des prisonniers qui ont été pris en photo. Ils ont été posés comme des esclaves», explique-t-elle.
Sidérée par ses découvertes, Nirveda Alleck décide de travailler avec ces images et de «rendre visible ces corps et existences qui ont été anéantis dans le passé et qui exigent une reconnaissance». C’est ainsi que pour sa présente exposition, elle prend les photos de Désiré Charnay qu’elle superpose sur les estampes de Milbert. Elle jongle ainsi avec les travaux de ces différents artistes des années 1800. À travers ses œuvres, elle questionne ainsi le rôle de l’artiste ainsi que ses sentiments par rapport à ses découvertes. Chaque œuvre renferme ainsi des histoires multiples. «L’histoire n’arrête pas de se réécrire», souligne-t-elle.
Parmi ses œuvres exposées, certaines datent de 2015, de 2016 et de 2019. Son œuvre de 2015 fait référence aux travaux de Benjamin Mootoo qui avait fait des recherches autour des anciens propriétaires d’esclaves à Maurice. «J’ai repris tous ces noms et je les ai écrits sur un tableau comme une vague qui descend», explique-telle. Il n’est nullement question de jugement, mais plutôt d’un dialogue entre le passé et le futur désiré.
Ces œuvres où le bleu prédomine, symbolisant la fragilité de l’histoire, questionnent chacun d’entre nous. Quel est notre rapport face à l’histoire, de l’histoire pas seulement personnelle, mais collective ? Comment agit-elle en nous aujourd’hui ? Quelle est finalement notre place dans ce tableau fragile qu’est l’histoire ? Des questionnements encore plus importants dans un monde où les facteurs de divisions sont bel et bien présents. Faisons donc un retour dans le passé pour entreprendre plus sereinement l’avenir.
À noter que l’exposition «No Story is an Island» est visible jusqu’au 23 novembre de 9 à 21 heures.
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