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80ᵉ anniversaire de sa mort
Anjalay Coopen: un sculpteur de divinités lui donne forme humaine
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80ᵉ anniversaire de sa mort
Anjalay Coopen: un sculpteur de divinités lui donne forme humaine
Ravisankar Rajagopal, artisan du Tamil Nadu, a réalisé la statue d’Anjalay Coopen dévoilée à Belle-Vue-Harel, le mercredi 27 septembre.
Anjalay Coopen est un symbole de la lutte des travailleurs. À l’occasion du 80ᵉ anniversaire de sa mort, le mercredi 27 septembre, une statue a été dévoilée devant le temple de Belle-Vue-Harel, non loin de l’endroit où Anjalay Coopen est tombée sous les balles de la police. Grâce à Armoogum Parsuramen, nous avons rencontré le travailleur, un artisan du Tamil Nadu, qui a réalisé cette statue.
Ses œuvres sont visibles de loin. Dans le recueillement, elles attirent des foules. Mais lui, le sculpteur, reste modeste, humble. Effacé. C’est avec un peu de broken English , des mains jointes, des sourires et la patience de Chandra Gandhi de la Global Rainbow Foundation, dans son rôle d’interprète, que l’artisan indien qui a façonné la nouvelle statue d’Anjalay Coopen s’est confié. Le tout, coordonné par Armoogum Parsuramen, commanditaire de la statue.
Le mercredi 27 septembre a marqué la commémoration des 80 ans de la mort d’Anjalay Coopen, femme-laboureur tombée sous les balles de la police à Belle-Vue-Harel. À cette occasion, une statue de ce symbole de la lutte syndicale a été dévoilée devant le Belle Vue Harel Murugan Udaiya Kovil, le temple situé à proximité du stade Anjalay Coopen. Non loin du lieu de la dramatique fusillade.
Qu’avez-vous ressenti en apprenant l’histoire de la femme dont vous avez la statue ? En tamoul, dans le dialecte de son village, Meiyathur, au Tamil Nadu, Ravisankar Rajagopal, artisan des temples, répond avec une économie de mots. «Je me suis senti triste.» Mais comme «elle se battait pour les travailleurs, je la montre comme une personne qui a réussi. Une statue en marche, le dos droit, le regard au loin, la faucille sur l’épaule».
«C’est la statue d’Anjalay Coopen qui se trouve devant le Human Rights Centre, en face de l’ancienne Cour suprême, à Port-Louis, qui a été prise comme référence», précise Armoogum Parsuramen. L’artisan indien a puisé l’inspiration de photos de la statue portlouisienne, pour réaliser son Anjalay Coopen de six pieds de haut.
Ce père de famille de 33 ans est à Maurice pour un contrat de six mois. Son émotion est palpable quand il montre, sur l’écran de son portable, une photo de sa famille – une épouse et deux enfants – restée au Tamil Nadu. Il a laissé un bébé de six mois pour gagner sa vie chez nous.
Ce n’est pas la première fois que Ravisankar Rajagopal est embauché à Maurice. Lors d’un précédent contrat, il avait travaillé au Draupadee Amen Kovil Moorghen de la rue Boundary, à Rose-Hill. Il y a réalisé une statue de Muruga, de «15 pieds» , ainsi qu’une statue de Hanuman.
Ce métier, il le pratique depuis 15 ans. L’artisan l’a appris auprès de son père et de son oncle qui sont aussi des sculpteurs de divinités pour les temples. «Quand j’étais à l’école, j’aidais déjà la famille après les cours.» À l’écouter – via l’interprète –, on comprend que l’artisan a comme un catalogue dans la tête. Selon la commande qui lui est passée, il sait déjà quelle forme, quelle allure aura la statue. «Seulement à partir d’un visage, on peut recréer les proportions du reste du corps» , explique-t-il.
Comment passer de statues de divinités à celle d’une personne qui a vraiment existé ? «Je fais cela très rarement» , confie-t-il. Avec fierté, l’artisan affirme qu’il a déjà travaillé à Singapour, en Malaisie et en Indonésie.
Cela ne lui a pris que «quatre jours pour cette statue en rock sand et ciment avec une armature de barres de fer» , précise-t-il. Quatre jours en excluant la peinture. Qu’est-ce qui est le plus difficile à réaliser ? Est-ce l’expression du visage, les plis du vêtement ? Dans la réponse en tamoul de Ravisankar Rajagopal, on comprend le mot «photo». L’interprète explique: «Normalement, c’est facile, mais quand on n’a pas des photos de bonne qualité, cela rend le travail plus compliqué. C’est là qu’intervient l’imagination.»
À l’occasion des 80 ans de la mort d’Anjalay Coopen, l’Armoogum Parsooramen Foundation a commandé une statue et publié un livre sur cet épisode tragique de l’histoire des travailleurs.
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Mieux comprendre: la femme-laboureur, symbole d’une grève des travailleurs qui finit tragiquement
L’histoire d’Anjalay Coopen et la suite qu’elle a eue. C’est ce que détaille «Anjalay Coopen’s martyrdom – The mother of all Mauritian workers». Cet ouvrage, co-signé par Armoogum Parsuramen et Satyendra Peerthum, a été lancé le 27 septembre, à l’occasion des 80 ans du décès de cette femme-laboureur. Il a pour sous-titre «(1942-1950): The Belle Vue Harel strike and massacre of september 1943 and its aftermath». Un chapitre est consacré à «The conspiracy of silence & The Moody Commission». Les auteurs expliquent que suite à la fusillade, les autorités coloniales de l’époque ont «misreported as well as left out important facts about the tragedy». De la date à laquelle s’est déroulée la fusillade au nombre de travailleurs blessés par balle. En passant par «a type of conspiracy of silence between the local press and the British administrators». Les auteurs rapportent les conclusions de la commission d’enquête Moody, qui soulignent le besoin d’améliorer les conditions de vie des travailleurs des domaines sucriers.
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