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Agriculture
Un secteur à repenser pour assurer l’avenir
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Agriculture
Un secteur à repenser pour assurer l’avenir
Souvent perçu comme le parent pauvre dans un monde en pleine expansion, le secteur agricole a pourtant le potentiel de jouer un rôle crucial dans le développement économique du pays. Cependant, pour atteindre cet objectif, il est essentiel de revoir certains aspects et d’en implémenter d’autres, selon les experts et acteurs du domaine.
Le nouveau ministre de l’Agro-industrie, Arvin Boolell, n’est pas un novice dans ce domaine. Il a déjà occupé ce poste à deux reprises : entre 1995 et 2000, puis, de 2005 à septembre 2008, avant de se tourner vers d’autres responsabilités. Son expérience alimente les espoirs des planteurs, qui souhaitent voir leurs préoccupations mieux comprises et prises en compte. «Ce secteur souffre d’une négligence depuis près de dix ans», déclare Sanjeev Dindyal, président de la Centerwest Small Planters Association. «Le gouvernement précédent n’a pratiquement rien fait pour l’agriculture. L’objectif principal, à savoir la sécurité alimentaire, reste non atteint. En outre, les planteurs n’ont reçu aucun véritable accompagnement pour développer une approche commerciale.»
Selon Sanjeev Dindyal, des mesures ponctuelles comme la distribution de semences après les pluies ou des subventions dispersées ne suffisent pas à revitaliser ce secteur. «Ce qu’il faut, c’est élaborer un masterplan national. Nous devons déterminer quoi planter, où et dans quelles conditions. Cela passe par l’identification et la préservation des terres agricoles, en empêchant leur conversion pour des projets de construction», explique-t-il. Il soulève également d’importantes questions stratégiques : «Quelle quantité produire pour atteindre l’autosuffisance ? Quels moyens privilégier ? Agriculture en plein champ, hydroponie ou cultures protégées ?»
Pour le président de la Centerwest Small Planters Association, la transformation des aliments constitue une piste cruciale. «Aujourd’hui, nous avons une abondance de légumes, mais dans trois semaines, avec l’arrivée des fortes pluies, les prix risquent de grimper en flèche», avertit-il. Il suggère des solutions simples pour mieux gérer ces fluctuations. «Emballer et conserver dans des réfrigérateurs des légumes comme les carottes, les choux, les giraumons ou les chouchous dans des conditions optimales, et éviter les pertes tout en réduisant notre dépendance à l’importation.»
Avec une telle approche, ces produits pourraient être préservés jusqu’à deux mois, offrant ainsi une meilleure stabilité au marché local et aux consommateurs. Avec une telle avancée, tous les consommateurs en ressortiront gagnants. «Actuellement, seules les grandes compagnies ont les moyens de mettre en place ce procédé. Cependant, avec le soutien du gouvernement, cette technologie pourrait devenir accessible à tous et les prix seraient également à la portée de chacun.»
Cet avis est partagé par Krit Beeharry, président de la plateforme des Planteurs de l’île Maurice, qui estime qu’il est essentiel de formaliser ce secteur. «Il est nécessaire de mettre en place un cadre légal pour protéger tous les acteurs engagés dans ces filières, qu’il s’agisse de l’agriculture, de la pêche, de l’artisanat ou d’autres domaines.» Il souligne également l’importance d’une meilleure planification dans les secteurs informels. «Par exemple, chaque maçon fixe ses propres tarifs pour une journée de travail et les prix des légumes fluctuent constamment, souvent au détriment des consommateurs. Une telle instabilité nuit à tous.»
Hormis cela, un point important mérite d’être soulevé : celui des terres fertiles. «Il en existe que dans les plaines du nord et à Côte-d’Or. Il faut donc venir avec une volonté pour transformer ces terres marginales fertiles. De La Marie à Plaine-Sophie, ce sont des terres marginales que les planteurs n’ont pas pu travailler afin qu’elles deviennent fertiles. Il faut avoir des mécanisations pour arriver à cela. Ainsi, nous augmenterons notre productivité.»
De plus, de nombreux planteurs ont choisi d’abandonner leurs terres plutôt que de s’investir dans leur transformation. «Il y a eu un manque de planification. Ces terrains doivent être aménagés pour devenir fertiles. En 2024, on ne peut plus se contenter d’utiliser la pioche et le panier pour développer ce secteur. Au contraire, un nouveau défi se présente : pour rester compétitif, il faut être bien formé et maîtriser les dynamiques de l’offre et de la demande.» Krit Beeharry propose aussi une meilleure régulation des fertilisants, suggérant l’introduction d’un système de licences. «La santé publique doit être une priorité.»
Par ailleurs, il évoque l’idée d’exonérer ce secteur de taxes pour encourager les agriculteurs à s’y investir pleinement. «Le planteur produit des légumes qui permettent de réduire la consommation d’aliments nocifs pour la santé, contribuant à prévenir des maladies comme l’hypertension ou le diabète.» Cependant, il constate qu’en raison des prix élevés des légumes, certaines personnes se tournent vers des aliments peu nutritifs comme les nouilles sèches, négligeant les légumes. «C’est un véritable problème. Les gens mangent uniquement pour se remplir l’estomac, sans se soucier de leur santé.»
Attirer les jeunes
Un autre défi majeur attend le ministre : attirer les jeunes vers ce secteur. «Il faut mettre en place un encadrement solide pour les encourager à se lancer dans l’élevage ou l’agriculture. Pourquoi ne pas leur offrir des subventions pendant une année ? Cela leur donnerait le temps d’évaluer la rentabilité de ces activités», suggère Sanjeev Dindyal. De son côté, Krit Beeharry met en avant un autre obstacle : les jeunes rechignent à s’investir dans un secteur informel. «Il n’y a pas de sécurité d’emploi. L’agriculture est perçue comme un secteur d’investissement, et non comme un service.»
Les légumes sont en abondance en ce moment et pourraient être transformés pour ne pas avoir à se tourner vers des ressources étrangères.
Tous deux espèrent un changement radical dans les semaines ou mois à venir. «Nous souhaitons un virage à 180 degrés, où la technologie jouerait un rôle clé dans la modernisation du secteur. Malheureusement, les recherches ont pris du retard à Maurice ou ont été orientées vers des projets inutiles, comme l’idée absurde de convertir les giraumons en poudre !» Ils appellent à des consultations approfondies avec la communauté agricole pour identifier des solutions concrètes et revitaliser ce secteur essentiel.
Dès sa nomination au poste de ministre, Arvin Boolell a mis l’accent sur l’importance de la sécurité alimentaire. «Il faut produire ce que nous mangeons et manger ce que nous produisons», rappelle-t-il, citant le célèbre slogan de sir Satcam Boolell lorsqu’il était ministre de l’Agro-industrie. Le nouveau ministre insiste sur l’implication de tous, affirmant que chaque enfant et chaque senior devraient participer en cultivant leurs propres plantes. «C’est ce qu’on appelle l’agriculture verticale. Aujourd’hui, l’agriculture bénéficie même du soutien de l’intelligence artificielle et il est crucial d’ajouter de la valeur à nos productions.»
Pour mener à bien sa mission, Arvin Boolell pourra compter sur le soutien d’un ministre délégué, Fabrice David, qui l’épaule dans la gestion de ce secteur stratégique.
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