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Analyse

Une distribution de cadeaux

8 juin 2024, 08:40

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Une distribution de cadeaux

On le savait déjà. Renganaden Padayachy allait faire la part belle au social face à l’imminence des élections générales. Or, le social, on l’a bien eu, trop même, car la population a eu droit à une distribution de cadeaux à tour de bras. Qui touchent à la fois des jeunes, des salariés, des indépendants, des personnes âgées, des ménages ou encore des enfants. Chacun en a eu pour son compte. Or, le hic est que le ministre n’a fait que multiplier des dépenses avec un étalage de projets dans plusieurs ministères sans pour autant indiquer comment il compte les financer. Bien évidemment, il ne faut pas compter sur les Rs 5 milliards que son gouvernement compte engranger par le biais de la Corporate Climate Responsability Levy de 2 % sur les bénéfices des entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à Rs 50 millions pour financer cette avalanche de mesures sociales, voire populistes. Sans doute, comme les années précédentes, il faut feuilleter les Estimates 2024-25 pour avoir les détails de financement, encore que très souvent, the devil is in the detail.

Renganaden Padayachy annonce des dépenses budgétaires de Rs 273,3 milliards au 30 juin 2025 contre des revenus de Rs 210 milliards, résultant en un déficit budgétaire de 3,4 % du Produit intérieur brut (PIB), contre 3,9 % en juin 2024 et 4,8 % en juin 2023. Dans la foulée, il prévoit que le ratio de la dette publique diminuera de 82,2 % du PIB en juin 2023 à 74,5 % du PIB en juin 2024 et à Rs 71,1 % en juin 2021. Avec à la clé, une croissance de 6,5 % cette année et une moyenne de 5 % à moyen terme.

Si le tandem Jugnauth-Padayachy s’est réjoui de la performance économique de Maurice dans le dernier rapport du Fonds monétaire international (FMI), en revanche, les observateurs auront remarqué que certaines mesures budgétaires sont carrément le contraire de ce que les experts de cette institution internationale ont recommandé. C’est le cas de l’abolition des allocations provenant de la CSG pour soutenir sa réforme de retraite. En fait, le Budget n’a pas juste maintenu cette mesure mais a augmenté le nombre de bénéficiaires pour 500 000 bénéficiaires. Comprenne qui pourra.

Socioculturel

On peut comprendre que le Budget est fait de mesures économiques et sociales. Mais, par définition, c’est un exercice comptable, voire un outil de redistribution de richesses, permettant à ce que les fruits de la croissance soient partagés équitablement. Aujourd’hui, le social a pris le dessus, avec en plus le socioculturel qui gagne sa part de gâteau. Aujourd’hui, on peut se demander si on n’est pas en train de créer une population d’assistés, un phénomène qu’on retrouve dans plusieurs pays et même plus près de chez nous à l’île de La Réunion.

À trop vouloir tout promettre, l’État finit par créer des attentes chaque année lors de l’exercice budgétaire et qu’il arrive à satisfaire certes… mais à quel prix, si ce n’est en exerçant de fortes pressions sur les finances publiques. Résultat des courses : on crée artificiellement une pénurie de main-d’oeuvre dans certains secteurs, comme l’agriculture, où des travailleurs, qui peuvent encore être actifs manuellement, refusent de le faire, se contentant de leur pension de vieillesse qui passera à Rs 14 000 le 1ᵉʳ juillet et à Rs 15 000 à partir du 1ᵉʳ janvier 2025, si le gouvernement sortant revient au pouvoir pour un troisième mandat.

Il va de soi qu’on ne demande pas de jeter le bébé avec l’eau du bain, sachant que de nombreuses familles dépendent de l’aide de l’État pour joindre les deux bouts. Or, ces mesures de soutien sont aujourd’hui éligibles à tout le monde «across the board» alors qu’une forme de ciblage serait souhaitable, comme réclament des institutions internationales, telles que le FMI.