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Une voix qui forge l’avenir

11 septembre 2024, 15:32

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Dans un texte sublime, un gentilhomme des lettres, extrait de ses oeuvres complètes (partie I), l’inégalable Marcel Cabon écrit ceci : «(...) la meilleure façon de continuer les aînés, c’est de prendre des routes nouvelles, d’écrire fortement, avec son sang, sa moelle… Qu’il vaut mieux se casser les reins dans la jungle que de chevaucher confortablement dans les routes vicinales… Qu’un écrivain ne doit jamais se contraindre à écrire ce qu’on attend de lui, qu’il ne doit se soumettre qu’à ses goûts, ses préférences, n’accepter que son propre élan, ne dire que ce qui lui passe par la tête !»

Il est des moments où chaque citoyen, armé seulement de son bulletin de vote, est appelé à écrire une page de l’histoire de son pays. L’île Maurice, ce bout de terre entouré d’océans, se retrouve encore une fois à l’aube d’un grand tournant politique. Les législatives de 2024 pointent à l’horizon, avec en leur sein une question cruciale : comment exprimons-nous notre vote dans cette île où l’histoire politique est marquée par des alliances complexes, des idéologies floues et une démocratie qui vacille parfois entre espoir et désillusion ?

L’acte de voter, ce geste si simple en apparence, prend une signification bien plus profonde ici. C’est un cri silencieux, une revendication du droit de choisir. Mais est-ce réellement un choix éclairé que nous faisons ? Marcel Cabon, ce maître des mots, n’aurait pas hésité à nous rappeler qu’exprimer son vote, c’est bien plus que glisser un papier dans une urne. C’est écrire, avec son sang et sa moelle, un futur qu’on souhaite voir éclore. «Qu’il vaut mieux se casser les reins dans la jungle que de chevaucher confortablement sur les routes vicinales», disait-il, invitant chaque citoyen à sortir de sa zone de confort, à braver l’inconnu pour faire éclore une nouvelle ère.

Dans ces élections législatives de 2024, alors que les frontières idéologiques entre la gauche et la droite se floutent chaque jour davantage, la question de l’orientation politique est plus pressante que jamais. À Maurice, autrefois, la gauche détenait le «monopole du coeur», de la solidarité sociale, tandis que la droite incarnait l’autorité, l’investissement privé et l’ordre. Mais aujourd’hui, cette division semble dépassée. Nos partis politiques, tels des funambules sur un fil tendu, cherchent l’équilibre dans des coalitions opportunistes. La politique, chez nous, est devenue une danse où chaque pas est calculé, non pas pour le bien commun, mais pour la survie.

Marcel Cabon nous aurait rappelé que cette quête du pouvoir pour le pouvoir est vaine. Le vote ne doit pas être un acte de peur, ni de résignation. C’est l’expression d’un rêve, d’une volonté farouche de voir naître un pays plus juste, plus solidaire. «Ne disons que ce qui nous passe par la tête !» aurait-il crié, pour inciter les Mauriciens à voter avec leur coeur, avec leurs convictions profondes, sans se laisser manipuler par les promesses creuses ou les slogans populistes.

Mais comment se forge ce vote à Maurice, dans une île où les alliances se défont aussi vite qu’elles se nouent ? Comment faire un choix éclairé dans ce paysage politique où les partis semblent plus intéressés par leurs propres intérêts que par ceux de la nation ? La réponse, peut-être, réside dans la réappropriation du débat public. Il ne suffit plus de murmurer nos idées en privé. Il faut les porter sur la place publique, les confronter aux autres, pour faire émerger une vision commune, un projet de société qui dépasse les particularismes ethniques ou religieux.

Cabon aurait probablement dénoncé le cynisme ambiant qui réduit la politique à une série de manoeuvres stratégiques, où l’on cherche à grappiller des voix sans jamais aborder les vraies questions : comment bâtir un pays capable de se réinventer face aux défis du changement climatique, de la mondialisation, des inégalités croissantes ? Comment redonner confiance à une population désabusée, qui ne croit plus en la capacité de ses dirigeants à incarner le changement vers le mauricianisme tant désiré ?

Le vote, dans ces élections législatives de 2024, doit devenir un acte d’engagement. Il doit aller au-delà des clivages traditionnels, au-delà des promesses de circonstance. Il doit être le reflet d’une volonté de transformation profonde. Comme l’écrivait Marcel Cabon, «la meilleure façon de continuer les aînés, c’est de prendre des routes nouvelles». Il ne s’agit plus de suivre les chemins balisés par les alliances politiques du passé, mais d’ouvrir de nouvelles voies, d’oser l’inconnu pour réinventer notre démocratie.

Et cette voix, cette expression du vote, doit être portée par le peuple lui-même. Ne laissons pas les autres penser à notre place, nous diriger vers des systèmes que nous n’avons pas choisis. C’est en votant avec courage et lucidité que nous pourrons espérer voir émerger une Mauricienne, un Mauricien, capable de s’engager pour le bien commun, de sortir des querelles partisanes ou sectaires pour bâtir ensemble une île où chaque voix compte, où chaque vote fait la différence.

Maurice, à la veille des élections législatives, se tient à un croisement de chemins. C’est à nous, citoyens, de choisir le bon. Exprimons notre vote, non pas comme une simple formalité, mais comme un cri puissant, un appel au changement. C’est ainsi que, selon Cabon, nous pourrons forger l’avenir, non pas en reproduisant les erreurs du passé, mais en traçant notre propre route, avec la conviction que demain peut être meilleur, si nous avons le courage de l’imaginer. Et de l’exprimer.

PS : Marcel Cabon ajoute : «Ne pas se demander si son livre sera imprimé un jour, combien de lecteurs il aura, si quelque jury le couronnera…»