Publicité
Rencontre
Valérie Sana : mère courage combattant le cancer de son fils à coups de poésie
Par
Partager cet article
Rencontre
Valérie Sana : mère courage combattant le cancer de son fils à coups de poésie
Derrière le sérieux de Valérie Sana, fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères français, en poste à l’ambassade de France à Maurice, il y a deux facettes émouvantes. Celle de la mère qui accompagne depuis une décennie son enfant diagnostiqué d’un cancer. Celle de l’auteure, qui a écrit deux romans à l’hôpital, «pour tenir». Elle caresse le projet d’inviter les enfants de Maurice à écrire de la poésie pour les petits malades des hôpitaux de Paris.
Passer un an à l’hôpital. Mettre sa vie entre parenthèses pour être au chevet de son enfant malade. Pour avoir vécu le pire, pour avoir vu tant d’autres souffrir, Valérie Sana trouve du réconfort dans la poésie. Son prochain défi : soutenir des enfants malades dans les hôpitaux de Paris grâce à la poésie des enfants de Maurice.
Aujourd’hui, Hugo a 13 ans. À l’âge de quatre ans, il est diagnostiqué d’un cancer des os. Résultat : une année de traitements dans une chambre stérile, dans un hôpital, en France. Les médecins expliquent à Valérie Sana, la maman d’Hugo, qu’ils n’avaient jamais vu d’enfant de quatre ans avec un cancer de 17 cm dans le bras. Que d’habitude, ce type de cancer se manifeste vers 11-12 ans, «plutôt dans la jambe, en se développant d’un demi-centimètre, ou d’un centimètre par an».
Réaction de la maman : elle refuse les soins palliatifs. L’enfant rentre dans un protocole de recherche et d’innovation à l’Institut Curie, à Paris. Hugo, un cobaye ? «C’était soit ça, soit je lui disais adieu dans moins de deux mois. J’ai demandé de tenter le tout pour le tout.»
Depuis son premier roman, «L’envol ou de l’union sacrée des cœurs»,Valérie Sana a déverrouillé ses talents artistiques.
À la découverte de la maladie d’Hugo, Valérie Sana met en suspens sa carrière de fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères français. Dans ce cadre où il faut être «silencieux en permanence», la maman a du mal à dormir dans le lit de camp installé à côté du lit d’hôpital de son fils. Avec seulement «une à trois heures de sommeil par jour», quand elle tente de lire, elle doit lutter pour garder les yeux ouverts.
Un malheur n’arrivant jamais seul, son grand-père, son «référent», l’«amour» de sa vie, décède durant la même année. Valérie Sana, qui a des origines métissées, est née en France et a grandi au Congo, entre un père congolais et une mère française. «Mon enfance, c’est au bord de la mer, à Pointe-Noire, au Congo. C’est du communautaire et du matriarcat.»
À 14-15 ans, elle revient à Amboise, en France, pour poursuivre ses études. Elle vit avec son grand-père, celui qui lui a «enseigné l’amour de la terre, du vin, du fromage». Un grand-père fossoyeur, qui «faisait les vendanges du château. Il a apporté la France à moi. Quand je suis arrivée, je n’étais ni noire ni blanche». Confrontée au racisme, la jeune fille apprend de son grand-père que les gens ne sont «pas méchants, mais ignorants». Dans la famille africaine, on lui dit «rentre vite» à cause des voisins. Elle est «la fille du colon». Au Congo, dans la cour de récré, on lui balance : «Ton père est peut-être pharmacien mais son frère est mon boy.»
Le départ de ce grand-père adoré l’«anéantie. Je n’avais plus de repère en France. Je perdais pied». Dans cet état d’épuisement physique et émotionnel, Valérie Sana se met à écrire, «pour tenir. Je n’avais aucune intention de publier». Jusqu’à ce que survienne l’idée que les droits d’auteur peuvent être reversés à la recherche. «J’ai écrit mon premier et mon second roman en milieu hospitalier. Il fallait donc que cela serve à l’hôpital. Si mon fils a participé à des essais cliniques, c’est grâce aux gens qui ont donné de l’argent avant moi. Je leur suis plus que reconnaissante.»
Arrivée à Maurice le 14 août 2023, Valérie Sana vient prendre son poste à l’ambassade de France, à Port-Louis. La nature de son travail fait qu’elle change de pays «tous les trois-quatre ans». En août dernier, elle débarque à Maurice avec Hugo et sa fille.
Sauf que la santé de l’adolescent se dégrade, «à partir de fin octobre 2023. En novembre il ne tenait plus debout». Élève de l’École du Centre, Hugo est «déscolarisé physiquement». En décembre 2023, il repart pour la France. Suivi par l’Institut Curie, il participe au protocole de la reconstruction à l’hôpital Necker-Enfants malades. «Il a eu sa première greffe en décembre 2015. Elle n’a pas tenu. Depuis, il est en attente d’une prochaine greffe ou d’une prothèse.»
L’enfant devait se faire greffer en décembre 2023, date reportée à février 2024. Avant que ne tombe le terrible verdict: après neuf ans d’attente, la greffe n’est «plus du tout possible». Alors que l’enfant l’attendait «comme sa délivrance, la solution à son handicap et ses douleurs», confie sa maman. Depuis sa première greffe, «son corps s’est dégradé. On a attendu qu’il grandisse, mais il a subi trop de chimio lors des essais cliniques».
Projet poétique à Maurice
Valérie Sana souhaite monter un projet en collaboration avec les écoles mauriciennes. Intitulé Nous, créatures d’émotion sous les couleurs de l’arc-en-ciel, cette initiative va servir à «faire rêver par la plume des enfants de Maurice». Trois thématiques d’écriture seront proposées : «Un sourire à la vie», «Notre belle planète» et «Ce que représente une femme pour un enfant». Il s’agit de demander à des enfants du primaire et du secondaire d’écrire des poèmes ou de courts textes. Et de les illustrer. De son côté, Valérie Sana va aussi contribuer des poèmes et des illustrations. Une fois rassemblés dans un recueil, ces poèmes seront lus dans les hôpitaux de Paris à des enfants malades. Son projet, c’est d’apporter du rêve du Sud vers le Nord. «On est toujours dans une vision du Nord qui aide le Sud.» Cette fois, c’est de montrer à des enfants hospitalisés, «qui peuvent perdre espoir, qui s’ennuient», la possibilité de rêver d’ailleurs. C’est aussi pour que «la recherche faite dans ces hôpitaux du Nord descende pour soigner les enfants du Sud». Ce projet, elle invite tous ceux qui le souhaitent à y participer «juste avec le cœur. Pas besoin de gros moyens. Si cela marche, les droits seront reversés aux hôpitaux, si cela ne marche pas, on sera toujours contents d’avoir produit quelque chose».
Deux romans nés à l’hôpital
Pendant l’année que Valérie Sana passe au chevet de Hugo, quatre ans, à l’hôpital, elle écrit son premier roman, L’envol ou de l’union sacrée des cœurs. L’ouvrage est publié en 2018 aux Editions L’Harmattan. «Cela n’a rien à voir avec l’hôpital», rassure l’auteure. «Ce n’est pas non plus autobiographique.»
Son fils Hugo fait une rechute et est hospitalisé pendant trois semaines en décembre 2018. Valérie Sana, de retour à l’hôpital, y écrit la suite de L’envol ou de l’union sacrée des cœurs. Rendez-moi mes amours sort chez L’Harmattan en 2019. «Les droits d’auteur du premier roman sont pour l’Institut Curie, ceux du second sont pour l’hôpital Necker.» L’éditeur lui commande une histoire fantastique. Ce qu’elle écrit, «dans le métro, en moins de dix jours, en partant d’un poème». Le temps suspendu paraît en mars 2020, chez L’Harmattan.
Pour répondre à un détracteur qui s’interroge sur la destination réelle de ses droits d’auteur et son absence de séances de dédicaces, Valérie Sana publie la pièce de théâtre, L’orchidée. Par la suite, elle est sollicitée pour participer à une anthologie, Le monde vert L’humain et la planète Terre sous la direction de Luc Augustin Samba et Marie-Léontine Tsibinda (première écrivaine congolaise) aux Éditions Berkiab, au Canada. «Les droits sont reversés pour la préservation des forêts en Amérique du Sud et en Afrique.» Elle a aussi fait un conte & florilège de poésie, Mukulu-Mufuku Petite tortue, dis-moi tout ! «Des extraits ont été lus l’an dernier au Festival du livre de Trou-d’Eau-Douce.»
Elle a également publié Un abri, une âme Témoignage à l’occasion des 100 ans de la ville de Pointe-Noire au Congo. Ce qui a servi à rendre public la destruction de la maison de son enfance. «L’audace c’était de l’envoyer au président de la république du Congo. Il n’y a pas eu de réponse mais le chantier de l’immeuble qui a été construit à côté a été arrêté. On attend la suite», dit-elle.
Publicité
Les plus récents