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Défaite cuisante de «lakwizinn»

Victoire des Mauriciens : le peuple : 60 – Lepep : 0

17 novembre 2024, 18:00

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Victoire des Mauriciens : le peuple : 60 – Lepep : 0

Au moment des célébrations, le quadricolore flottait fièrement dans les centres de dépouillement, alors que résonnait notre hymne national.

Jean Claude de l’Estrac : «Je leur accorde un temps de grâce de 100 jours»

Shakeel Mohamed : «Il suffit d’écouter les paroles de notre hymne national pour comprendre que nous ne faisons qu’un»

60-0. Certains l’avaient vu venir. Comme nos collègues de l’express, Patrick St Pierre et Nitin Leckraj – les deux étant plus forts que le guruji de Verdun pour prédire l’avenir. Mais nombreux sont ceux qui avaient du mal à le croire. Pourtant, le tsunami, le cyclone, le raz- demarée, la lame de fond, en gros, le cataclysme électoral, s’est bel et bien abattu sur la tête de Pravind Jugnauth et de ses candidats. Retour sur la raclée mémorable infligée par un peuple «araze», plus «amerde» que Paul Bérenger – qui était là les trois fois où il y a eu des 60 badia so, soit en 1982, en 1995 et cette fois en 2024 – quand il est en colère…

Depuis la victoire, un vrai feel-good factor flotte dans l’air, comme une sorte d’auréole angélique au-dessus de la tête du pays. Les gens semblent plus courtois sur les routes, les Mauriciens ont le sourire ; certains – issus sans doute de la fameuse masse silencieuse – osent enfin s’exprimer dans la rue, sur la Toile. «Libérés», affichent d’aucuns sur Facebook. «Délivrés», renchérissent d’autres sur Instagram. «Je respire», lance-ton sur TikTok. «Sa we, saki apel nou Moris», dit-on au marché, à la boutique du coin, entre voisins. La connexion est aussi rapide que le baissage de slip du «ministre Porno», comme le baptisera Jean Claude de l’Estrac sur le plateau de Nawaz Noorbux le jour de l’effeuillage – pardon du dépouillement

Colère, dégoût et rage

D’ailleurs, si avant les suffrages, sur les réseaux sociaux, la bataille entre les chatwa et ceux qui prônaient le changement faisait rage, une tendance claire se dessinait surtout durant les deux dernières semaines avant le scrutin, contrairement à ce que tentait de faire croire Pulse Analytics, qui n’a plus de pouls depuis. Le mouvement de colère, de dégoût, de rage, est allé crescendo au fil des publications des vidéos et bandes sonores de Missie Moustass, au nez et à la barbe de l’Alliance Lepep, qui perdait un peu plus chaque jour du terrain, jusqu’au blocage des réseaux sociaux en passant par Madame «Dounk», qui déliait sa langue de vipère et montrait l’étendue de sa «pétasse attitude».

Le vase menaçait de déborder à tout moment. Le ministre des «Drains», Bobby Hurreeram, et tous ses acolytes se dirigeaient tout droit vers le caniveau. Les Mauriciens avaient décidé d’en faire des omelettes en cassant des œufs cette fois. Ils avaient décidé que le laptop de Deepak Balgobin allait «eklate» en voyant le verdict des urnes. Que le Titanic de Vikram Hurdoyal allait couler à pic. Que Ravi Rutnah, qui avait affirmé que Pravind Jugnauth l’avait envoyé au no 5 pour bouffer du lion, allait «manz feyaz». Que Kavydass Ramano, «Kavykas», comme l’a surnommé Veda Baloomoody, allait finir dans le bac de recyclage au no 18. Que Xavier-Luc Duval allait passer de coq trop fier à canard boiteux. Bref, le peuple avait décidé de «devir zot bol dal», y compris le «katori» de Somduth Dulthumun, qui a lui aussi, cette fois, atterri au fond du placard où les citoyens de la nation arc-en-ciel conservent les grains secs.

S’il y en a bien un qui a subi une rafale d’attaques communales durant la campagne, c’est bien Shakeel Mohamed. Face à des coups bas perfides ou encore des vidéos manipulées, le no 3 du gouvernement a su trouver la parade, comme celle du 12 mars. Il a riposté à coups de Glory To Thee, dont celui, mémorable – même s’il avoue en plaisantant que ses proches, partisans et amis lui ont conseillé de prendre quelques cours de chant – entonné dans son intégralité au dernier grand meeting de l’Alliance du changement à Port-Louis, le 3 novembre. «Monn resanti enn mari lemosyon kan monn tann nou l’hymne nasyonal, trouv nou drapo flote, apre la viktwar ek mem avan… Mo ti a kontan, apre 56 zan Lindepandans, ki nou zoli pep dan so lansanb aret reflesi an term kominoté… Il suffit d’écouter les paroles de notre hymne national pour prendre conscience du fait que nous ne faisons qu’un. Il faut à tout prix préserver notre identité mauricienne.»

Notre hymne national et notre drapeau rouz, ble, zonn, ver ont d’ailleurs volé la vedette lors des concerts organisés vendredi par l’Alliance du changement au Plaza à Rose-Hill et à Curepipe, quand se sont produits des artistes, tels que Ram Joganah, Désiré François, OSB, Blakkayo, Bomboclak. De quoi infliger une claque magistrale aux années où tant de spectacles et rassemblements artistiques ont été annulés, pour une batterie de raisons qui ont engendré la frustration. Aster «chanchants».

Mais passons des fêtes actuelles à la défaite récente. Le jour du vote, soit le dimanche 10 novembre, s’il y a bien une arme fatale qui indiquait que les Mauriciens avaient fait leur choix, c’était la plume. Comme celles apportées par les sœurs Casseeram, Yovannie et Connie, 21 et 22 ans, qui ont voté pour la première fois et qui ont choisi le changement pour leur «avenir». Ou encore Linda, rencontrée au collège Gaëtan Raynal, qui avait «peur des magouilles» (voir les vidéos sur lexpress.mu). Les Mauriciens avaient décidé, à l’aide de quelques traits de stylo, de faire une – ou plutôt trois – croix sur le régime Jugnauth, prenant la destinée de leur pays en main, réécrivant une page de leur histoire à l’encre indélébile.

#patousnoubwat

La mission vey bwat a d’ailleurs marqué cette campagne de son empreinte, car jamais n’avait-on vu une telle chose. Révoltés, survoltés, traumatisés par les épisodes dérangeants de 2019, s’agissant de soupçons de fraude, des centaines, voire des milliers, de citoyens se sont transformés en agents de sécurité, sillonnant le pays, surveillant leurs bulletins de vote et leurs urnes comme des chiens de garde féroces, prêts à mordre à la moindre suspicion. La hantise de la triche était telle que la situation a dégénéré à la veille du dépouillement, toutes les boîtes – même en carton – étant fouillées, scrutées, démontées. Des officiers de la commission électorale seront même malheureusement malmenés durant cette opération #patousnoubwat.

Si la jeune génération avait déjà annoncé la couleur sur TikTok, notamment, le Ale Navin étant devenu viral et le Bour li deor culte, comment expliquer le fait que nos sages aînés – que le MSM et ses alliés ont tenté d’appâter à coups d’augmentations du montant de leur pension – ont eux aussi rejeté en masse ce leurre qui aurait pu paraître alléchant de prime abord ? «Ti ena bann issues tre tre inportan, fondamental, qui ti pe kondir nou sosiete a la deriv, tou dimounn inn bien konsian de sa», lâche Subhash Gobine, analyste politique qui a travaillé aux côtés de Navin Ramgoolam et de sir Anerood Jugnauth. «Pena enn tro bel generation gap dan Moris. Ek mo panse bann pli zenn, bann zanfan, inn inflians bann senior osi, inn explik bann seki pa forseman lor rezo sosio ki pe deroule.»

Qu’ils soient plus jeunes ou plus âgés, le jour du décompte des voix, les Mauriciens se sont réveillés aux aurores, attendant avec impatience de découvrir le sort que leurs compatriotes avaient réservé au parti Soleil. Ce dernier allait se coucher plus vite que prévu, Pravind Jugnauth et ses acolytes concédant la défaite très tôt, les uns après les autres, dans les 20 circonscriptions. La boîte de Pandore s’apprêtait à s’ouvrir après des années émaillées par d’incroyables scandales, dont la mort de Soopramanien Kistnen, un meurtre sordide révélé en premier par notre collègue de l’express, Narain Jasodanand.

En ce onzième jour du onzième mois de l’an 2024, les résultats n’avaient même pas été proclamés que des milliers de Mauriciens se massaient devant les portails des écoles, prêts à célébrer une victoire : la leur. Aux côtés du drapeau de l’Alliance du changement, il y en avait surtout un qui flottait fièrement, majestueusement : notre quadricolore, qui avait retrouvé ses couleurs, celles d’une île Maurice unie, solidaire. À l’heure des célébrations et des pétarades, notre Glory To Thee résonnera alors à travers tout le pays et atteindra l’âme et touchera chaque citoyen en plein cœur.

Si une semaine après, l’heure est encore à la fête, Jean Claude de l’Estrac – observateur politique et ancien capitaine – ô mon capitaine – de l’express, nous dira ceci vendredi soir, histoire de nous ramener sur terre : «J’ai décidé désormais de ne pas commenter les premiers pas de ce gouvernement, de peur d’être trop critique. Je leur accorde un temps de grâce…» Un temps de grâce de combien de jours ? «100 jours…»

En attendant de subir l’ire, la foudre, le courroux de Jean Claude de l’Estrac en cas de faux pas, les dirigeants de l’Alliance du changement, qui étaient face à la presse jeudi, mettront un point d’honneur à reconnaître que cette victoire est avant tout celle du peuple. «Mo pale Morisien viv sa kosmar ki zot inn viv dan le pase-la», dira ainsi Navin Ramgoolam. Ashok Subron lancera quant à lui : «Moris enn ti pei me li ena enn gran pep…»

Ce peuple, qui a envoyé Lepep dan karo kann, est ainsi invité à se rendre au meeting de remerciement qui aura lieu aujourd’hui à la Place D’Armes, devant le Parlement à Port-Louis. Où l’on entendra sans doute, une nouvelle fois, le cœur gonflé de fierté, notre Glory To Thee, à la gloire des Mauriciens si farouchement attachés à leur Motherland. Et qui l’entonneront avec leurs tripes…