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Victor Genestar: «Ce qui s’est passé à La Citadelle a renforcé la communauté de gens qui nous suivent»

13 mai 2024, 21:00

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Victor Genestar: «Ce qui s’est passé à La Citadelle a renforcé la communauté de gens qui nous suivent»

Victor Genestar, organisateur du festival La Isla 2068.

Plus de six mois après le concert solidaire de triste mémoire à La Citadelle, le 21 octobre 2023, l’organisateur Victor Genestar est revenu avec la sixième édition du festival La Isla 2068. C’était le samedi 11 mai au Château Labourdonnais. Paroles d’un organisateur qui fait de la résistance.

Il ne fait pas bon être un organisateur de concert. Avez-vous vécu les dernières heures avant le festival La Isla 2068 dans l’angoisse, en craignant une annulation policière de dernière minute ?

Dès qu’on a le permis de la police, normalement elle ne revient pas en arrière (NdlR: il y a un an, en mai 2023, 48 heures avant le festival La Isla 2068, la police, qui avait déjà donné son feu vert, vente d’alcool comprise, a interdit que le festival commercialise des boissons alcoolisées).

Nous avons été rassurés à partir du lundi 6 mai, quand nous avons reçu le clearance de la police de Port-Louis. Jusque-là, nous avions un gros stress, cela faisait plus de deux mois que nous avions déposé la demande. Avec tout ce qui se passe, nous avions peur que la police ne nous embête.

8dbf5404-908f-4d7f-80cc-225ec04ccb2d.jpeg L’énergie revitalisante de Blakkayo et la douceur enivrante de Lisa Ducasse ont fait oublier les averses sur le Château Labourdonnais, samedi soir.

Il y a un an, La Isla 2068 a souffert de l’interdiction de vente d’alcool. Avez-vous pu trouver un équilibre pour permettre au festival de durer ?

Nous avons été très clairs depuis le début. La Isla en 2024 serait un festival sans alcool. Il y a beaucoup d’événements qui ne communiquent pas auprès de leurs publics pour dire si c’est avec ou sans alcool. Nous, on l’a dit pendant un mois avant le festival. Cela a facilité l’obtention du permis de la police.

L’interdiction de vente d’alcool c’est un gros manque à gagner. Cela représente plus d’un tiers de nos revenus, même plus parce que notre partenaire c’est Oxenham. Forcément, ce n’est plus le même sponsoring avec eux. Nous avons la chance d’avoir des partenaires fidèles. Oxenham nous a soutenus en gérant les bars sans alcool.

Ce qui nous a permis de concrétiser l’édition 2024, c’est le sponsoring de la Mauritius Tourism Promotion Authority (MTPA) et des hôtels Attitude. La MTPA a pris en charge les billets d’avion des quatre têtes d’affiche étrangères. Le groupe Attitude a financé l’ajout d’une troisième scène en connexion avec le concours Konpoz to Lamizik. Le but de cette troisième scène était d’élargir la programmation pour attirer encore plus de spectateurs que l’année dernière et compenser le manque à gagner sur l’alcool (NdlR: une barre fixée à plus de 3 000 spectateurs).

La Isla 2068 a «fait plus que de la résistance», dit sa présentation. Être un organisateur de festival à Maurice, c’est entrer en résistance ?

Nous avons la chance d’avoir des sponsors solides, sinon nous ne pourrions pas continuer. Au lieu de baisser les bras, comme la plupart de nos concurrents qui se disent qu’ils vont proposer moins d’artistes et réduire les budgets, nous faisons l’inverse. Nous avons décidé de nous battre. Depuis que La Isla 2068 a vu le jour en 2015, l’édition 2024 est la plus grosse que nous ayons organisée. On se bat en s’appuyant sur la qualité de notre événement.

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Vous étiez co-organisateur du concert du 21 octobre 2023 à La Citadelle. Plus de six mois après la brutale intrusion d’un groupuscule, le public s’est-il remis de ce traumatisme ?

C’est un traumatisme qui reste, pour nous et pour tous ceux qui nous suivent. Depuis, nous avons fait la soirée Dreamers, à l’hôtel Lagoon Attitude, le 9 février.

Ce qui s’est passé à La Citadelle a renforcé la communauté de gens qui nous suivent. Nous avons eu beaucoup de soutien. Après ça et avec le gouvernement qui nous met des bâtons dans les roues, on est rentré encore plus en résistance. Cela nous a convaincus que nous sommes sur la bonne voie. Nous voulons fédérer les gens quels que soient leurs horizons, leurs religions. Nous sommes le plus ouvert possible. Les gens qui nous suivent ont bien compris ça : La Isla est une mosaïque de gens différents qui veulent s’amuser librement en découvrant de nouveaux talents.

Êtes-vous membre du regroupement «Professional Events Organisers»?

Au tout début oui, avec Bruno Raya et Bryan Rush. On est solidaires. Après il y a ceux qui veulent apparaître publiquement, d’autres non.

Le mois dernier, ce regroupement a appelé artistes et organisateurs à boycotter les consultations pré-budgétaires. Parmi les partenaires de La Isla cette année, il y a le ministère des Arts et du patrimoine culturel. Quelle aide vous a-t-elle apporté ?

C’est un soutien symbolique.

C’est-à-dire ?

On a juste eu une lettre de soutien du ministère des Arts et du patrimoine culturel. Nous avons beaucoup démarché les autorités pour être soutenus. J’ai rencontré des gens du ministère.

Le ministre aussi ?

Le ministre, c’est même pas que c’est difficile, il est invisible. On ne sait pas où il est. Je tiens le ministère régulièrement informé des événements que nous organisons. J’ai demandé une lettre officielle de soutien n’impliquant aucune conséquence financière. Le ministère a accepté. Cette lettre a été envoyée à la police, cela nous a aidés à avoir le permis.

Pourquoi vous n’avez pas demandé d’argent au ministère des Arts et du patrimoine culturel ?

On n’a pas demandé parce qu’on n’en aura pas. Par contre, nous entretenons de bonnes relations avec ce ministère. Il y a là-bas des gens qui veulent nous aider. Mais on ne se fait pas d’illusion sur les aides qu’on pourrait avoir du ministère, alors que l’on en a besoin.

Pour que les événements à Maurice prennent de l’envergure, ce serait bien d’avoir une politique culturelle plus ambitieuse. Nous sommes contents d’avoir la MTPA pour partenaire. Notre plus grande ambition est de générer du tourisme culturel grâce au festival, d’attirer des gens qui voyagent spécialement pour y assister.

Vous avez compté 200 touristes sur l’édition précédente.

C’est dur à calculer mais il y a beaucoup de Réunionnais. On le voit aux réservations de l’étranger. L’an dernier, nous avons eu des Anglais, des Allemands, des Sud-Africains. Pour être un festival régional, il faut, comme au Sakifo ou au festival Electropicales à La Réunion, avoir du public qui vient d’ailleurs. Cela profite à l’économie locale, mais surtout aux artistes qui ensuite tournent dans la région.

Votre objectif est de devenir le Sakifo mauricien?

On n’aura jamais les moyens du Sakifo. Ce festival peut par exemple payer des cachets de 100000 euros (NdlR: environ Rs 5 millions) pour un artiste. On ne pourra jamais le faire. Une partie du budget du Sakifo provient de subventions de l’État français, ce qui n’existe pas à Maurice.