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Bagatelle Dam: menace sur Ebène?
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Bagatelle Dam: menace sur Ebène?
Force est de constater que les autorités se sont murées dans le silence. Pourtant, c’est une question d’intérêt national: y a-t-il un plan d’évacuation au cas où Bagatelle Dam, qui devrait entrer en opération d’ici décembre, céderait? Tout porte à croire que non.
Depuis que nous avons rendu public le rapport du géomorphologue Prem Saddul dans notre édition du lundi 19 septembre, c’est un silence de mort du côté des autorités. L’ancien Chairman de la Central Water Authority alerte sur les risques d’effondrement du Bagatelle Dam, dont le taux de remplissage s’élève à 14,2 millions de m3 d’eau, soit l’équivalent de 6 000 piscines olympiques.
Moins de trois kilomètres en contrebas du Bagatelle Dam, se trouve la cybercité d’Ébène. Quartier d’affaires où quelque 50 000 personnes transitent et travaillent chaque jour. Toute cette région serait sous la menace des flots s’il s’avère que les risques mis en exergue par Prem Saddul sont fondés.
L’express a tenté, à maintes reprises, d’en savoir plus du côté du ministre de l’Énergie et des services publics, Ivan Collendavelloo. Mais nous nous sommes heurtés à un «non» catégorique du ministre. Hargneux, ce dernier a, semble-t-il, estimé qu’il était mieux de traiter notre quotidien de «malpropre» plutôt que de répondre à nos questions.
Quid d’un mécanisme intégré et efficace pour mieux préparer la population à une éventuelle catastrophe? C’est, justement, dans cette optique qu’un projet de loi, le National Disaster Risk Reduction and Management Bill, a été présenté et voté au Parlement en avril. Or force est de constater que du côté du National Disaster Risk Reduction and Management Centre, un éventuel effondrement du barrage n’a jamais été étudié. C’est, du moins, ce que l’on nous a fait comprendre.
Shakeel Mohamed, chef de file du Parti travailliste au Parlement, recommande, lui, la mise sur pied d’un Fact Finding Committee. Il est nécessaire, dit-il, d’étudier les conclusions de Prem Saddul.
Construction au coût de Rs 5,4 milliards
Il est prévu que le barrage, qui compte quatre ans de retard, alimente Plaines-Wilhems. Ce projet, initié sous l’ancien gouvernement, devait, au départ, coûter Rs 3,3 milliards. Mais la facture est passée à Rs 5,4 milliards à cause des travaux supplémentaires visant à rendre le sol imperméable.
«Les personnes n’auraient pas le temps d’être évacuées»
Qu’arriverait-il si le barrage venait à céder? Nous avons interrogé un chargé de cours de l’université de Maurice (UoM), spécialiste en hydrologie. Il évoque différentes possibilités.
D’emblée, il précise que l’ampleur des dégâts dépendra de la source et de l’étendue d’une fissure éventuelle. Il serait ainsi possible qu’un volume insignifiant de ces 14,2 millions de m3 d’eau se déverse.
Et le pire scénario ? Les personnes se trouvant à Ébène n’auront pas le temps d’être évacuées, répond-il. «Au cas où le barrage céderait, l’eau pourrait monter à une vitesse effrayante, d’autant plus que deux rivières sont situées à proximité du site. Tout ce qui se trouve sur son passage serait englouti. C’est le pire scénario envisageable», souligne le spécialiste en hydrologie.
La pyrite, source du problème
La pyrite, aussi appelée «l’or des fou», est composée de 50% de soufre et de 44% de fer. Or, il s’avère que ce métal se rouille facilement, surtout s’il se trouve dans un endroit humide.
Ainsi, il se décomposera au contact de l’eau et relâchera de l’acide sulfurique. Ce qui fait que la pyrite laissera des trous dans les pierres utilisées dans la construction du barrage.
Les pierres contenant de la pyrite ont été prises de la montagne Auvillard, à Midlands, pour construire la paroi du réservoir, longue de 2,5 km et haute de 50 mètres.
Trianon City en suspens
Si le projet Heritage City a été mis au frigo, ce serait principalement dû à sa proximité avec le Bagatelle Dam. Trianon City serait-elle également concernée, étant donné qu’elle se trouve à moins de 2 km en aval du barrage? Cette smart city, un projet qu’ambitionne le Chantier de Plaisance, Hermes Properties Ltd, devrait s’étaler sur une superficie de 83 arpents.
Le Board of Investment (BOI) ayant donné son feu vert, une letter of comfort a été octroyée au promoteur. Toutefois, le Fast-Track Committee du BOI est en attente de l’aval du ministère de l’Environnement, le permis Environment Impact Assessment (EIA) n’ayant pas encore été accordé.
«La population doit être informée»
L’express a rencontré des employés de la cybercité d’Ébène. Ayant pris connaissance du rapport, ils souhaitent avoir la garantie que les autorités ont prévu un plan d’évacuation. À l’instar de Tery Verte, qui juge «alarmant le fait que le gouvernement n’ait pas pris de dispositions, telles que des exercices de simulation, en cas d’inondation suivant l’effondrement du barrage».
Un avis partagé par Yessica Armoogum, une autre employée d’Ébène. «Le gouvernement a le devoir d’informer la population. Plusieurs personnes ne sont même pas au courant qu’un réservoir de cette envergure sera construit près d’ici.»
Rupture de barrages dans le monde
<h3>Hécatombe en Inde (1979)</h3>
<p>L’une des plus grandes catastrophes de rupture de barrage est celle de Morvi, en Inde, survenue le 11 août 1979. La rupture a été causée par des précipitations conséquentes. La capacité d’évacuation du réservoir étant insuffisante, cela a occasioné une brèche dans l’édifice provocant une vague de 5 à 10 m de haut. Plus de 10 000 personnes ont trouvé la mort dans un rayon de 5 km du barrage.</p>
<h3>La catastrophe du barrage de Malpasset (1959)</h3>
<p>Inauguré en 1954, le barrage de Malpasset, qui est situé dans la vallée du Reyran dans le sud de la France, cède cinq ans plus tard. Avec un taux de remplissage de 50 millions de m3 d’eau, c’est une vague puissante de 40 m de haut qui déferlera vers les maisons et fermes avoisinantes. Au total, 423 personnes, dont de nombreux enfants, y trouveront la mort.</p>
<h3>Près de 2 000 morts en Italie (1963)</h3>
<p>Le barrage de Vajont a commencé à opérer en 1960 malgré plusieurs alertes sur les risques de glissement de terrain au préalable. Trois ans plus tard, des centaines de mètres cubes de terre et de roches se déversent rapidement dans le réservoir provoquant deux énormes vagues de 25 millions de mètres cubes d’eau. Bilan humain de la catastrophe: 1 900 morts. Onze responsables sont poursuivis, l’un se suicide et un seul est condamné.</p>
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