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Pour garder la tête hors de l’eau, Anita nettoie du poisson

30 septembre 2018, 16:06

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Pour garder la tête hors de l’eau, Anita nettoie du poisson

Elle compte parmi les rares femmes à exercer ce métier à Maurice. Pour nourrir sa famille, Anita, écaille et vide des poissons. Pour elle, on s’est arrêté à Cap-Malheureux.

Avant, elle nettoyait des maisons. Depuis cinq ans, elle nettoie du poisson. Entre 600 et 1 000 «bêtes» par jour. Une besogne qu’elle accomplit en bord de mer, dans un cadre idyllique, à Cap-Malheureux. Son métier fait son bonheur.

Anita a 42 ans, a une tête «sérieuse», dans son tablier saumoné, sous son chapeau et sa casquette bleus. Dressée comme un marlin fraîchement capturé derrière son étal, en plein soleil, elle «gratte» contre vents et marées, sept jours sur sept. Le but de cette maman de deux enfants: faire bouillir la marmite.

Ce qu’elle redoute par-dessus tout, c’est le mauvais temps. «Kan lapli tonbé, bann peser pa gagn pwason, lerla mo pa gagné pou netwayé.» Dans les bons jours, elle en a des centaines dans le seau.

Le mari d’Anita, lui, est jardinier. Elle faisait pour sa part le ménage chez des touristes, à Calodyne. Mais un beau jour, ils sont partis, alors elle a dû improviser, se réinventer. «Mo kamarad kinn propoz mwa sa lidé-la.»

Anita se sentirait comme un poisson dans l’eau si elle n’avait pas affaire à des «requins» aux dents longues. Des hommes, qui exercent le même métier qu’elle, et qui ont tendance à la persécuter. «Mo tann tou kalité kozé, tou kalité komanter, bétiz. Zot dir mwa ki monn vinn fer isi, alé ! Zot mem obliz mwa tir mo létal parfwa.» Mais Anita n’est pas du genre à verser des larmes de crocodile. «Mo less zot kozé, mo pa pran kont. Mo vini mo fer mo travay mwa.» Non, elle n’est pas du genre à grat lédo maler.

Les choses se corsent davantage quand la police se met de la partie. Certains la chassent alors qu’elle va à la pêche aux poissons à gratter. «Ils viennent souvent me dire de partir car il faut avoir un permis pour faire ça ici. Pourquoi ne traitent-ils pas les autres de la même façon ? Ce n’est pas parce que je suis une femme que je ne sais pas me défendre.» Il y a anguille sous roche, selon elle. Pas question de rester muette comme une carpe.

Du côté de la Beach Authority, on explique que la plupart des personnes qui s’installent en bordure de mer pour nettoyer du poisson sont en situation irrégulière. «Tout comme les marchands de coco à Cap-Malheureux. Sak fwa koz ek zot, zot revini apré…»

Si elle revient, c’est par nécessité, confie Anita, la débrouillarde. Alors elle continuera à se battre. Pour que ses efforts ne finissent pas en queue de poisson.