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Valérie Filain:«Un de nos journalistes a été frappé et son matériel volé»

4 décembre 2018, 18:35

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Valérie Filain:«Un de nos journalistes a été frappé et son matériel volé»

La crise sociale à La Réunion n’a pas été de tout repos pour les membres de la presse. Si des gilets jaunes ou encore des forces de l’ordre ont été très réceptifs à nos sollicitations, cela n’a pas été le cas pour certains de nos confrères réunionnais. Le point avec la rédactrice en chef adjointe de Réunion Première.

Comment cela se passe-t-il à Réunion Première depuis le début de la crise sociale ?
Le rythme est très soutenu. C’est très intense mais c’est à l’image de la situation qui prévaut actuellement sur le département. Nos équipes sont sur le terrain, matin, midi, après-midi et soir parce que les barrages se mettent en place très tôt le matin. La situation a tendance à se durcir au fur et à mesure, au cours de la journée avec l’installation de plus de barrages et encore plus de tension. Avec la visite de la ministre des Outre-mer, étant donné qu’elle fait ses annonces plutôt en fin de journée, il faut dire qu’on est sur le qui-vive.

Quelles sont les grosses difficultés que Réunion Première a rencontrées jusqu’à présent ?
Il faut être partout mais ça, c’est normal, c’est notre métier. Nous sommes une chaîne de service public et on essaie de donner un maximum d’informations aux téléspectateurs. On essaie aussi de faire de la pédagogie, du décryptage et pas que dans le factuel ou ne jamais donner de clé de compréhension à nos téléspectateurs. Pour cela, il faut savoir s’organiser et trouver différents angles pour nos reportages. Ce qui est compliqué, c’est qu’il faut savoir se frayer un chemin. Il y a des barrages comme vous l’avez vu vous-même un peu partout et à chaque barrage, on doit un peu montrer patte blanche, dire qui nous sommes, que nous sommes des journalistes, que nous faisons notre travail d’information. Et que nous sommes neutres et que jamais nous ne prenons position, ni pour les Gilets Jaunes ni pour l’État, encore moins pour les politiques et pour les forces économiques. 

Vos équipes ont-elles été malmenées pendant leur travail ?
L’un de nos collègues journalistes a été physiquement agressé lors d’une nuit de violence dans la ville du port, lorsqu’il se rendait sur les lieux d’un incendie. Il a été frappé et son matériel volé. L’homme est costaud heureusement. Il s’en est sorti et il va bien. Je ne dirai pas que c’est tout le temps comme ça. C’est arrivé malheureusement, nous le dénonçons, nous le déplorons. Il ne faut pas, pour autant, penser qu’il y a ces scènes de violence tous les jours, tous les soirs. C’est difficile pour un journaliste de vivre ce genre d’évènement, de dérapage. On parle clairement de violence parce qu’il a été frappé. Ça arrive et fait partie des risques que nous prenons parfois et on essaie de faire notre travail dans la prudence.

Depuis que vous êtes journaliste, est-ce la première fois que vous assistez à de tels évènements ?
Non, ce n’est pas la première fois. Ça fait partie de l’histoire de La Réunion. Je n’étais qu’une adolescente collégienne lors des évènements du Chaudron, en 1991. Ce sont ces évènements qui m’ont donné envie d’être journaliste pour essayer de comprendre ce qui pouvait amener la population à se soulever. Ça a été le déclic pour moi. Depuis que je suis journaliste, j’ai eu à plusieurs reprises l’occasion de couvrir ce type d’évènements, des crises sociales, une fièvre sociale, un malaise dans notre société réunionnaise. Il ne faut absolument pas jeter la pierre à qui que ce soit. Il faut comprendre pourquoi ça se passe ainsi. Dans le mouvement actuel, il faut faire le distinguo entre les gilets jaunes et les casseurs. Ils ont des revendications à formuler, des messages à faire passer, des doléances à présenter. Notre métier est d’expliquer tout ça. Ce sont des évènements intenses, difficiles, c’est une crise que nous traversons. Il y en a eu d’autres dans le passé, que j’ai pu couvrir sur le quartier du Chaudron ou ailleurs. Aujourd’hui cela fait 13 jours (L’entretien a été réalisé jeudi dernier) de blocage. L’histoire nous dira s’il y en aura d’autres, mais je pense qu’il y en aura d’autres tant que ces problématiques sociales et sociétales ne sont pas réglées.

NdLR : En février 1991, émeutes dans les rues du Chaudron suite à la saisie des émetteurs de Télé Free Dom par les autorités. Le bilan : 11 morts, des voitures calcinées, des commerces pillés et des actes de vandalisme